lundi 5 décembre 2016

J54 | Aroue - Larceveau | 25,5km

Après un très bon petit déjeuner pris en compagnie de papy, qui me raconte quelques anecdotes, je démarre à 08h45 sous les meilleurs hospices.

La matinée est glacée, il a bien gelé la nuit. Mais quand je regarde le ciel et le soleil qui se lève, je sais que dans deux heures il fera suffisamment bon pour que je me remette en short :)
Au fait, 200 mètres avant d'arriver au gîte la veille, j'entrai en Pays Basques! Le Pays Basques est à cheval sur la France et l'Espagne, la plus grande partie se trouvant en Espagne. Dans chaque commune basque de France (il y en a 3), la langue basque peut être enseignée à l'école.
Les Basques sont réputés pour l'attachement qu'ils portent à leur culture, à leurs traditions, et aussi pour leur sens de la fête.

Après 1h30 de marche, le chemin est indiqué à gauche, et une chapelle X indiquée à droite. J'hésite un moment, étant tenté de poursuivre ma route. Finalement je me ravise, et décide de prendre le temps et de vivre l'instant présent, au lieu de calculer l'heure à laquelle j'arriverai au bout de l'étape, comme il m'arrive régulièrement de le faire.
J'ai vachement bien fait car je m'apprête à découvrir une tradition de la région en live.
Sur le chemin qui mène à la chapelle se trouve une ferme. Il y a 3 jours de cela, un retraité recyclé en berger me parlait de la Provision. Aujourd'hui j'en vois une en cours.
Dans la cour de la ferme se trouve une carcasse de cochon, éventrée et étalée sur une planche inclinée à 45 degrés. Autour de la carcasse, cinq hommes au travail, dont un qui manie le couteau et un autre responsable d'arroser en continu la carcasse avec un tuyau d'arrosage sectionné à son extrémité.
Premièrement choqué par la scène, je m'approche timidement.
Je manifeste ma curiosité, et constate avec joie que les hommes sont très avenants et même accueillants, plein d'humour et de générosité dans l'explication de leur savoir-faire. Voici ce que j'en retiens:
La bête de 200 kilos est d'abord immobilisée et couchée au sol. Le cinquième homme l'égorge avec une lame de couteau, à l'ancienne. Le sang est récolté afin d'être utilisé dans la préparation de boudin (noir je présume).
Une fois que la bête est jugée morte, elle se dirige enfin on la dirige étant donné qu'elle ne marche plus vers la planche de découpage ce qui est peut-être la partie la moins marrante quoique. Le cochon y est fixé, la planche inclinée à 45 degrés. Le boucher le vide de ses organes, qui seront placés dans une grande bassine (nous ôtes on appelle ça des piscines). Tout ça se passe à l'air libre, sous un soleil généreux de 10h30. Les organes seront eux aussi transformés en boudin.
Ensuite, de la carcasse on ne voit essentiellement plus que les côtes, la colonne, les pattes évidemment, et beaucoup de gras. La tête a été coupée au préalable. "C'est quoi ça?" demande-je en pointant la bassine du doigt. "Ce sont les poumons" me répond-on, "Comme celui-là ne fumait pas on va pouvoir les consommer!".
Un des hommes exerce une pression du bout de son doigt entre chacune des côtes, demandant au type au tuyau de suivre son mouvement. En fait, il tente de faire s'évacuer un maximum de sang, afin de favoriser la conservation de la viande.
Le boucher, se son couteau, dégage l’entièreté de la colonne vertébrale du reste de la carcasse, avant de l'allonger sur une table pour la sectionner en morceaux d'une vingtaine de centimètres de longueur.
Deux hommes transportent la bassine vers l'étable. J'emboîte leurs pas. Je remarque en fait que c'est l'atelier des femmes. La tête du cochon se trouve à mes pieds, à même le sol. Sur une table se trouvent déjà étalés les intestins de la bête, à l'intérieur desquels on peut clairement distinguer la matière digérée (on appelle ça plus communément de la mert' pour votre information). La prochaine tâche qui attend les femmes est d'aller vider les boyaux dans la rivière et de les y rincer. Ensuite ils seront bien évidemment eux aussi rentabilisés, comme beaucoup de parties du cochon. C'est peut-être de là que vient l'expression "Tout est bon dans l"e cochon". D'ailleurs, le boucher m'informe que 60% du poids de la bête sera rentabilisé et consommé, soit environ 120 kilos dans ce cas-ci! Dingue.
Une fois tous les morceaux découpés etc, ils seront entreposés dans une espèce d'énorme bac en bois, toujours dans l'étable, et inondés de sel pendant une trentaine de jours, après quoi ils pourront se conserver pendant près d'un an!

Un peu remué par cette expérience, comme si ça ne s'était pas réellement passé, c'est le coeur haut et la tête toujours sur les épaules que je décide d'aller tout de même visiter la chapelle, qui s’avérera être fermée.

J'admire le travail, et le courage qu'il faut à ces hommes pour faire ce qu'ils font. Je n'ai pas assisté au moment où ils ont tué le cochon, mais, même si ce n'est évidemment pas le plaisir qui m'y motive, je pense que c'est une expérience enrichissante. L'étape ultime étant d'être à la place du boucher. Bon p-e pas un cochon pour commencer... Mais déjà une poule. Le but étant de me conscientiser , notamment conscientiser mes actions lorsque je vais acheter un morceau de viande dans le commerce.
A noter que, même si de l'extérieur la scène (que j'ai prise en photo d'ailleurs) peut paraître glauque, je trouve que les agissements de ces hommes sont beaucoup plus humains que ce qui peut se passer dans les abattoirs, que ce soit en Europe ou n'importe où dans le monde, et dont on dit que ces endroits sont mieux gardés que les centrales nucléaires. Pourquoi? Parce que si le monde entier voyait la cruauté infernale qui sévit dans ces établissements, la consommation de viande diminuerait sensiblement et ça ce n'est pas bon pour le business!
Mais revenons à nos moutons, enfin cochons. Je voudrais terminer en soulignant la qualité de vie que ce cochon a eu, élevé à la campagne, en grands espaces, de très loin supérieure à celle de ses cousins et cousines élevés en batterie, et dont les mères porteuses n'ont parfois pas la place pour faire un demi-tour sur elles-mêmes.

Je quitte la boucherie pour prendre de la hauteur. Ca fait 2 jours que je foule des régions très peu peuplées. Je ne rencontre presque que des fermes sur mon chemin. C'est dingue le nombre de rapaces qu'il y a  par ici, et dont j'observe régulièrement la ronde en me distant "Ca y est il va piquer, il a repéré un rongeur!", mais ça n'est pas encore arrivé.

La journée est radieuse et je ne me lasse pas du décor presque irréel des sommets éblouissants, enneigés, des montagnes qui se dressent devant moi avec fierté.

Aujourd'hui je ressens un grand besoin de rire, de fêter, de célébrer la vie avec ma famille ou mes amis. Manifestement ça attendra encore quelques temps.
Après que je les ai entendu toute la matinée de l'autre côté de la vallée, une horde de quads/motos me dépassent. Waouw!
En franchissant cette rivière, je suis impressionné à quel point l'eau est claire, transparente! Aussi je note qu'en moto par ici ça doit être exceptionnel, d'ailleurs j'en verrai une dizaine aux abords des villages que je traverse.

Une demi borne avant d'arriver à l'hôtel, je discute un peu avec Jean-Baptiste, retraité qui fait un peu de jardinage. Comme il habite sur le chemin, il a grande habitude des pèlerins. D'ailleurs il me confie qu'en mai et septembre la cadence est infernale. Suivent de près les mois de juillet et août, ex-aequo en terme de débit. J'apprends aussi avec bonheur que la tendance météo est clémente jusqu'à Noël. Peut-être qu'elle me permettra même de passer les Pyrénées par la montagne, même si la voie est signalée "fermée" systématiquement chaque hiver, façon pour les autorités concernées de se déresponsabiliser en cas d'accidents. Enfin j'en saurai plus à St Jean, où on me dira clairement quoi faire et quoi éviter. En effet, chaque année, invariablement, des pèlerins meurent sur le tronçon qui mène à Ronceveaux, souvent surpris par le mauvais temps et puis perdus dans la montagne. Paix à leur âme.

J'arrive donc à l'hôtel. La demi pension est à 55e, plutôt honnête pour un hôtel, très correct soit dit en passant. En fait je commence à me rendre compte du coup que représente un hébergement et un couvert, ce n'est pas rien...
Ce soir: potage consistent, agneau très goûtu (de la région ça va de soi), et gâteau basque!

Hier on me vantait les qualités de fêtard des basques et ce soir je le vérifie. Dans ma chambre, j'entends chanter depuis le rez-de chaussée (je suis au 2ème) vers minuit. La laiterie du village est venue y faire son repas de fin d'année! D'ordinaire ça m'aurait énervé, mais là ça me fait marrer et je trouve ça excellent. Ils ont l'air de bien chanter en plus. Même pas 10 minutes plus je me serai rendormi.











































J53 | Navarrenx - Aroue | 19,5km

Je démarre vers 9h00 dans une ambiance glaciale, malgré un magnifique lever de soleil.
Je gravis quelques marches depuis la place pour constater le caractère de ville fortifiée de Navarrenx.

Très vite, je redeviens irrité et exaspéré, nerveux, dans la continuité de la veille. Je me demande si ma marche n'a pas duré assez longtemps. En même temps je n'ai pas envie d'abandonner. Je me dis que ce sont peut-être des mauvais tours joués par la solitude et qu'il faut que je continue.
Toujours est-il que ça commence à me gonfler de marcher, toujours marcher, sans savoir où je vais. Je passe violemment de "tout est possible" à "rien n'est possible".
Je me console en me disant que je ne dois pas m'attendre à trouver quelque chose de concret au terme de mon voyage. Il est très peu probable que St Jacques m’apparaisse en songe, comme c'était arrivé à Charlemagne selon la légende, et qu'il me dise "Tiens voici le chemin de ta légende personnelle mon garçon".
Ma mission principale sur ce chemin, c'est probablement de m'ouvrir aux gens et aux situations qui se présentent à moi, de récolter des expériences de vie.

Enfin je sors de ce bois confiné dans le creux de la vallée formée par les collines alentours, un bois qui semble obstiné à empêcher le soleil de réchauffer l'atmosphère glaciale qui y règne.
Le parcours redevient vallonné. Les prairies scintillent de mille feux, sous l'action du soleil qui vient irradier la rosée.
Il n'y a pas un poil de vent, pas un bruit. L'instant est magique. J'aime en particulier le contraste entre la végétation encore verdoyante par endroits et la chaîne de montagnes en arrière plan, blanchie par la neige.Saisissant!
Je réalise le privilège qui est le mien. Les oiseaux chantent.

Je prends mon lunch au bord d'un ruisseau, assis en tailleur dans l'herbe. Le soleil tape correctement. Je finis par m'assoupir quelques instants, bercé par le ruissellement de l'eau.

Je remarque que je suis à 500m du gîte. Sans grande conviction, je me dirige vers un panneau d'affichage de l'autre côté de la route. Il s'avère que j'ai bien fait, car une feuille A4 m'apprend que depuis le sommet de la prairie qui se trouve derrière, on a une vue à 180 degrés sur les Pyrénées. Au final, je resterai une quinzaine de minutes assis sur la table d'orientation, à admirer le spectacle. Quelle merveille. C'est très inspirant. Les sommets sont tellement proches que j'ai l'impression que je peux les toucher. Je n'ai pas encore passé ces montagnes que j'ai déjà envie d'y retourner.

La maison est isolée, entourée de prairies où paissent des moutons.Un partie de la maison a été aménagée en gîte. Le cadre est idyllique.
Mes hôtes, un couple probablement plus que septuagénaire, sont charmants. Ils reviennent tout juste de Bretagne où ils possèdent une maison juste au bord de la mer. Si bien que Monsieur m'offre une demi douzaine d’huîtres qu'il a pêchées plus tôt dans la journée, au marteau et au burin (les coquillages sauvages étant attachés aux rochers)!

Après ces huîtres, et cette boîte de cassoulet 2p., je risque de très bien dormir.























J52 | Arthez de Béarn - Navarrenx | 32km

Ce matin pas besoin de radio, j'ai Michèle à mes côtés, qui est venue m'apporter mon petit déjeuner (pas au lit). J'aime me beurrer la biscotte (c'était de la baguette). Les croissants sont superbes, et la confiture aux figues aussi. Après tout, je suis au gîte La Boulangerie.

A 8h15 je quitte le gîte et passe à la vraie boulangerie pour acheter une baguette pour les deux midis à venir. La gérante me demande si tout s'est bien passé au gîte et, dans sa générosité, me fait don d'un pain au chocolat. Qu'est-ce qu'il était bon!

Le soleil est toujours caché par les montagnes quand je me mets en route. Les Pyrénées ont un tout autre visage dans ce contexte.
Arthez se dresse sur un crête, d'où l'on peut voir un plateau qui s'étend jusqu'au véritable pied des montagnes, des Pyrénées Atlantiques aux Pyrénées Orientales, en passant par les Hautes Pyrénées. C'est un spectacle d'exception que j'ai la chance de pouvoir observer par endroits sur presque 180 degrés.

Juste avant de quitter le village, j'interpelle deux marcheurs du matin, pour savoir ce que sont les industries fumantes qu'on peut voir à une dizaine de kilomètres en contre bas. Ils m'apprennent entre autre que c'est une exploitation de gaz, du gaz de "nappes".

Je sors du village par un chemin de crête. Comme je me dirige vers l'ouest, à ma droite j'ai une vue plongeante sur les plates landes, et à ma gauche les sommets montagneux qui se dressent comme une barrière infranchissable, ne formant qu'un sur tout son long, et qui sert également de frontière. Un grondement sourd provenant de la vallée vient perturber le calme absolu qui semblait régner en maître. Ce n'est en fait qu'une autoroute, que je franchirai (par un pont!) 6kms plus loin. Cela n'a toutefois pas l'air d'inquiéter ce chevreuil qui s'adonne à son sport matinal dans le champs de Maïs rasé à ma droite. Tiens en parlant de maïs, les deux autochtones me confiaient plus tôt "En été ça n'a pas la même gueule, on n'y voit quasi rien avec tout le maïs! Y'a intérêt de savoir où on va."
En effet, la culture de maïs est très répandue dans ces régions. Le maïs sert à notre consommation, mais aussi surtout comme complément alimentaire pour le bétail, et aussi pour faire pousser des semences qui serviront à replanter d'autres champs de maïs.

J'entends régulièrement des coups de feu à gauche à droite et des chiens aboyer. La chasse bat son plein!

Les champs et les pâturages fument. C'est l'évaporation de la rosée du matin, sous l'action du soleil omniprésent. Il est à peine 10h, et les températures sont telles que je me mets en short. Je trouve amusant le contraste entre ces bonnes températures et le froid glacial des sommets enneigés que je m'amuse à contempler sans modération.

Je me pose dans une prairie au moment du casse-croute. On est au plus chaud de la journée et je me mets carrément torse nu, jusqu'à ce que je constate que les mouches piquent par ici.

Hyper dur de reprendre la route... Comme la veille.
Mes yeux posés sur la montagne pour la nième fois, je repense à toutes ces fois où je me demandais où je voudrais vivre plus tard, est-ce à la montagne, à la mer, à la campagne, dans un bel appartement en ville, au nord, au sud,... Je pense qu'il n'y a pas de réponde unique. J'ai l'impression que j'ai besoin de changement permanent. D'où notamment mon idée de travailler sur des projets à durée déterminée (l'inverse d'un cdi donc).

Di dju j'ai entendu à la radio un joueur de rugby interviewé, il y avait beaucoup de sens et d'humanité dans son discours! Un certain Vincent, il a tourné dans un film avec Gérard Lanvin récemment.

Plusieurs habitants qui tondent leur pelouse un 1er Décembre, ça c'est beau!

[...]

J'arrive à Navarrenx, l'accueil y est minimal, formatif.

P;S Les nerfs lâchent aujourd'hui, je suis vite énervé et je me demande ce que je fais là. Je suis aussi frustré, et pris d'exaspération de ne pas savoir exactement où je vais.Plutôt paradoxal pour quelqu'un qui marche avec une carte!












J51 | Arzacq - Arthez de Béarn | 30,5km

La journée démarre sous les meilleures hospices.

Il est 8h50, je quitte le gîte communal. Le soleil est déjà levé au dessous de l'horizon. Le ciel est entièrement bleu.
J'aime bien écouter la radio le matin, notamment quand je déjeune, et c'est ce que je continue à faire aujourd'hui sur les premiers kilomètres. Il y a des émissions intéressantes sur certains postes, et puis surtout j'apprécie de démarrer la journée avec de la compagnie.

Après 1/2 heure de marche j'entends "Et notre prochain invité de prestige est Paulo Coelho" avant que le radiologue n'ajoute "dans nos bureaux à Genève". Ca m'a fait drôle! Du coup je redouble d'attention et mets même le second écouteur (je n'en utilise généralement qu'un sur deux, afin de rester en contact avec mon environnement). Ils parlent brièvement du pèlerinage entrepris par l'écrivain, et puis le journaliste l'interroge sur La Légende Personnelle. Qu'est-ce donc? C'est la raison d'exister de chacun répond Paul. La trouver est déjà une chose, mais de là à la réaliser, il y a encore un gouffre énorme ajoute-t-il.
Ca m'a fait quelque chose de l'entendre à la radio comme ça un peu par hasard, alors que j'avais lu deux de ses livres au tout début de mon pèlerinage.
Après ça ils parlent de politique et ça devient moins intéressant. Je retiendrai quand même l'avis de Coelho: "A ma connaissance, le système politique suisse est probablement celui qui se rapproche le plus d'une démocratie, où le peuple va même jusqu'à voter la couleur des poubelles!"

Le relief est très vallonné: soit ça monte, soit ça descend, sur une douzaine de kilomètres. Les zones encore dans l'ombre du soleil indiquent qu'il a gelé la nuit. Ailleurs la rosée fine est parfois éblouissante, reflétant un soleil magistral qui domine dans un ciel bleu azur. Le soleil a vite faire de chasser le froid nocturne ("angoisses diurnes, terreurs nocturnes"), si bien que je retrouve en short, finally! Au milieu de la journée, les températures seront même printanières (un printemps de Belgique...).

Au sommet d'une côte, je rattrape un vieil homme qui conduit des moutons d'un pâturage à un autre, muni de son bâton et de ses bottes. On tape la discute. Il m'apprend quelque chose que je trouve intéressant: La Provision. Dans le temps, les familles faisaient la provision lorsqu'elles abattaient un gros cochon (200-250 kilos) et ce faisant avaient de la viande pour presque toute une année. Ces gens-là devaient avoir un sacré savoir-faire, cars ils faisaient tout eux-même: tuer la bête, la vider, la découper, la nettoyer, et enfin la conserver dans du gros sel.
Aujourd'hui me dit-il, il aurait du mal à trouver acquéreur pour ses 5 moutons. Car maintenant les bouchers se servent généralement chez des grossistes qui fournissent des morceaux pré-découpés. Dans le temps n'importe quel boucher se serait disputer ses bêtes, fussent-ils à vendre. Mais ce n'est pas le cas. Ils servent d'occupation à cet homme à la retraire, c'est sa raison de se lever le matin me confie-t-il.

A peine 200 mètres plus loin, un tracteur accompagné de son agriculteur-pilote s'arrête à ma hauteur.
"Vous êtes bien courageux" dit-il. Sur ce, je lui fais remarquer que le vrai courageux c'est lui, au four et au moulin depuis tôt ce matin, et que moi je ne fais que marcher. Ca lui vaudra d'esquisser un petit sourire.
Avant de repartir, il me souhaite un "Bonne route", plein d'honnêteté et de conviction. Il avait la pêche cet agriculteur, et il me l'a transmise, si bien que je me surprends à rigoler tout seul après son départ!

En fait je constate que marcher en cette saison me sert pour deux raisons:
1) La pénurie grave de pèlerin (et selon plusieurs avis c'est exceptionnel cette année) me confronte davantage à moi-même, ce qui est finalement un peu le but du jeu.
2) Je m'attire l'admiration et l'encouragement des autochtones que je croise au quotidien. Et c'est souvent un bon prétexte pour démarrer une conversation.

De temps en temps je vois des ardoises accrochées aux arbres, avec de belles phrases toujours signées L'Alchimiste.

Petit pique-nique sympa dans l'herbe, avec panorama imprenable. Et quel calme. Que du bonheur. Je fais même une mini sieste de 15 minutes, c'est dire! Blagues à part, je me sens assez fatigué, et je pense déjà à mon lit.

Je pose mon sac au gîte et je vais faire mes courses pour une omelette de feu de Dieu: oeufs-lardons-champignons-tomate fromage rapé + de la ciboulette que j'ai cueillie sur le chemin.
Sur mon retour au gîte, paf, coucher de soleil sur les montagnes. Le soleil, qui a déjà sombré derrière l'horizon, rougit le ciel au devant duquel sont immobilisés quelques nuages sombres, étirés en largeur. Ca me fait un peu penser à un décor de savane. Enfin juste un peu, le froid s'imposant rapidement étant donné le ciel dégagé.













































































































































































































































J50 | Barcelonne sur Gers - Arzacq | 35,5km

Je très enthousiaste lorsque je quitte le gîte et que j'entame cette longue étape.

D'abord couvert, le ciel se dégage dans l'après-midi et les températures deviennent vite très agréables.

Je fais un très court passage par le département des Landes, avant de gagner celui des Pyrénées Atlantiques. Comme je ne cesse de m'en rapprocher, je vois les montagnes de plus en distinctement. J'en suis comme hypnotisé, et mon regard a du mal à s'en décrocher. C'est bien ça m'occupe de les contempler en fait, car les lignes droites sont interminables au milieu de ces champs de Maïs nus.

Je vois beaucoup d'oies sauvages migrer en direction du sud, et ça me fait penser à chaque fois à la chanson!

En casse-croutte, quelques noisettes, un avocat, du pain, et même un peu de miel de chêne tiens, tant qu'à faire!

Je suis content d'arriver au bout de l'étape, toujours debout sur mes quilles. Arrivé à Arzacq je passe au Carrefour, où il me faut toujours lutter contre des achats impulsifs, ça demande de l'entraînement!
Une aubergine, deux échalotes, une tomate et deux cuisses de poulet fermier! Tout ça avec du riz à 80 cents les 500 grammes! Vraiment, le prix du riz m'impressionne, et encore une fois, surtout quand on constate ses qualités nutritives!

Après 1h30 de cuisine, je savoure. Le tout accompagné d'une très bonne Hoegaarden blanche! J'ai entendu dire que c'était bon pour les jambes...

J49 | Nogaro - Barcelonne sur Gers | 25km

Journée très brumeuse.

Au milieu d'une petite route entourée d'immenses champs de Maïs, je rencontre un vieux bonhomme qui observe le déplacement des pigeons voyageurs, des palombes. Il m'explique leur mode de vie. Insolite!

En arrivant à destination, je passe à la boucherie acheter du boudin noir. Ca faisait un petit temps que j'en avais envie! Ca tombe bien, il me reste quelques pommes dans mon sac. Tout ça donnera lieu à un très bon plat: échalotte-boudin-pommes avec du riz et des poireaux frais!
En préparant mon miam-miam je discute un peu avec Bastien. A 29 ans, parisien, il travaille pour une société qui fait dans la pose de fibre optique. Il est responsable de chantier. Il fait les trajets toutes les semaines depuis Paris, et donc ses journées du lundi et du vendredi sont entièrement dédiées aux trajets. En heures payées et avec la camionnette de service. Ca a l'air de bien marcher pour la boîte!

Il s'intéresse beaucoup à ma démarche. Il me confie qu'il n'est pas comblé par ce qu'il fait, et qu'en gros il continue à le faire parce qu'il a une bonne place compte tenu du fait qu'il n'a pas de diplôme, et qu'il faut bien gagner des tunes. Il est en quête de sens. Il aimerait bien faire quelque chose plus proche de l'humain, dans le partage, style prof de sport. Quand je lui demande pourquoi il ne se lance pas, ça devient flou, comme s'il se sentait prisonnier de quelque chose, prisonnier des limites qu'il s'impose lui-même peut-être, sans vraiment en être conscient.

J48 | Eauze - Nogaro | 20km

En prenant mon petit dej, je passe quelques coups de fil en vue de réserver un logement pour le soir. Ca sent le roussi, personne ne daigne répondre!

J'essaye encore de gratter quelques raisons sur les vignes, mais ça devient compliqué, la majorité des grappes rescapées commencent à pourrir.

Par chance, un numéro sur lequel j'ai laissé un msg vocal me rappelle et mon hébergement est confirmé.

Je m'arrête à 1500m du centre du village, sur un banc, pour apprécier le coucher du soleil. Je prends bien mon temps, mon hôte du soir m'a fait savoir qu'elle ne sera de retour que vers 17h30.
On entend des pilotes qui s'amusent sur le circuit de Nogaro. Ca me donne envie, et ça me fait penser à l'époque où on allait rouler en karting à Franco, Genk, Mariembourg (hein les deux concernés!).

De 18h à 19h je fais le choix d'attendre sur un banc à côté de l'Eglise que mon hôte réponde aux appels, étant donné qu'elle semble être en retard. Enfin à 19h elle m'annonce qu'elle sera chez elle dans 30min. Enfin bon je suis soulagé, le logement tient toujours :p

Le soir je regarde un magnifique reportage sur la carrière de Julien Clerc (alias Paul-Alain).