lundi 5 décembre 2016

J54 | Aroue - Larceveau | 25,5km

Après un très bon petit déjeuner pris en compagnie de papy, qui me raconte quelques anecdotes, je démarre à 08h45 sous les meilleurs hospices.

La matinée est glacée, il a bien gelé la nuit. Mais quand je regarde le ciel et le soleil qui se lève, je sais que dans deux heures il fera suffisamment bon pour que je me remette en short :)
Au fait, 200 mètres avant d'arriver au gîte la veille, j'entrai en Pays Basques! Le Pays Basques est à cheval sur la France et l'Espagne, la plus grande partie se trouvant en Espagne. Dans chaque commune basque de France (il y en a 3), la langue basque peut être enseignée à l'école.
Les Basques sont réputés pour l'attachement qu'ils portent à leur culture, à leurs traditions, et aussi pour leur sens de la fête.

Après 1h30 de marche, le chemin est indiqué à gauche, et une chapelle X indiquée à droite. J'hésite un moment, étant tenté de poursuivre ma route. Finalement je me ravise, et décide de prendre le temps et de vivre l'instant présent, au lieu de calculer l'heure à laquelle j'arriverai au bout de l'étape, comme il m'arrive régulièrement de le faire.
J'ai vachement bien fait car je m'apprête à découvrir une tradition de la région en live.
Sur le chemin qui mène à la chapelle se trouve une ferme. Il y a 3 jours de cela, un retraité recyclé en berger me parlait de la Provision. Aujourd'hui j'en vois une en cours.
Dans la cour de la ferme se trouve une carcasse de cochon, éventrée et étalée sur une planche inclinée à 45 degrés. Autour de la carcasse, cinq hommes au travail, dont un qui manie le couteau et un autre responsable d'arroser en continu la carcasse avec un tuyau d'arrosage sectionné à son extrémité.
Premièrement choqué par la scène, je m'approche timidement.
Je manifeste ma curiosité, et constate avec joie que les hommes sont très avenants et même accueillants, plein d'humour et de générosité dans l'explication de leur savoir-faire. Voici ce que j'en retiens:
La bête de 200 kilos est d'abord immobilisée et couchée au sol. Le cinquième homme l'égorge avec une lame de couteau, à l'ancienne. Le sang est récolté afin d'être utilisé dans la préparation de boudin (noir je présume).
Une fois que la bête est jugée morte, elle se dirige enfin on la dirige étant donné qu'elle ne marche plus vers la planche de découpage ce qui est peut-être la partie la moins marrante quoique. Le cochon y est fixé, la planche inclinée à 45 degrés. Le boucher le vide de ses organes, qui seront placés dans une grande bassine (nous ôtes on appelle ça des piscines). Tout ça se passe à l'air libre, sous un soleil généreux de 10h30. Les organes seront eux aussi transformés en boudin.
Ensuite, de la carcasse on ne voit essentiellement plus que les côtes, la colonne, les pattes évidemment, et beaucoup de gras. La tête a été coupée au préalable. "C'est quoi ça?" demande-je en pointant la bassine du doigt. "Ce sont les poumons" me répond-on, "Comme celui-là ne fumait pas on va pouvoir les consommer!".
Un des hommes exerce une pression du bout de son doigt entre chacune des côtes, demandant au type au tuyau de suivre son mouvement. En fait, il tente de faire s'évacuer un maximum de sang, afin de favoriser la conservation de la viande.
Le boucher, se son couteau, dégage l’entièreté de la colonne vertébrale du reste de la carcasse, avant de l'allonger sur une table pour la sectionner en morceaux d'une vingtaine de centimètres de longueur.
Deux hommes transportent la bassine vers l'étable. J'emboîte leurs pas. Je remarque en fait que c'est l'atelier des femmes. La tête du cochon se trouve à mes pieds, à même le sol. Sur une table se trouvent déjà étalés les intestins de la bête, à l'intérieur desquels on peut clairement distinguer la matière digérée (on appelle ça plus communément de la mert' pour votre information). La prochaine tâche qui attend les femmes est d'aller vider les boyaux dans la rivière et de les y rincer. Ensuite ils seront bien évidemment eux aussi rentabilisés, comme beaucoup de parties du cochon. C'est peut-être de là que vient l'expression "Tout est bon dans l"e cochon". D'ailleurs, le boucher m'informe que 60% du poids de la bête sera rentabilisé et consommé, soit environ 120 kilos dans ce cas-ci! Dingue.
Une fois tous les morceaux découpés etc, ils seront entreposés dans une espèce d'énorme bac en bois, toujours dans l'étable, et inondés de sel pendant une trentaine de jours, après quoi ils pourront se conserver pendant près d'un an!

Un peu remué par cette expérience, comme si ça ne s'était pas réellement passé, c'est le coeur haut et la tête toujours sur les épaules que je décide d'aller tout de même visiter la chapelle, qui s’avérera être fermée.

J'admire le travail, et le courage qu'il faut à ces hommes pour faire ce qu'ils font. Je n'ai pas assisté au moment où ils ont tué le cochon, mais, même si ce n'est évidemment pas le plaisir qui m'y motive, je pense que c'est une expérience enrichissante. L'étape ultime étant d'être à la place du boucher. Bon p-e pas un cochon pour commencer... Mais déjà une poule. Le but étant de me conscientiser , notamment conscientiser mes actions lorsque je vais acheter un morceau de viande dans le commerce.
A noter que, même si de l'extérieur la scène (que j'ai prise en photo d'ailleurs) peut paraître glauque, je trouve que les agissements de ces hommes sont beaucoup plus humains que ce qui peut se passer dans les abattoirs, que ce soit en Europe ou n'importe où dans le monde, et dont on dit que ces endroits sont mieux gardés que les centrales nucléaires. Pourquoi? Parce que si le monde entier voyait la cruauté infernale qui sévit dans ces établissements, la consommation de viande diminuerait sensiblement et ça ce n'est pas bon pour le business!
Mais revenons à nos moutons, enfin cochons. Je voudrais terminer en soulignant la qualité de vie que ce cochon a eu, élevé à la campagne, en grands espaces, de très loin supérieure à celle de ses cousins et cousines élevés en batterie, et dont les mères porteuses n'ont parfois pas la place pour faire un demi-tour sur elles-mêmes.

Je quitte la boucherie pour prendre de la hauteur. Ca fait 2 jours que je foule des régions très peu peuplées. Je ne rencontre presque que des fermes sur mon chemin. C'est dingue le nombre de rapaces qu'il y a  par ici, et dont j'observe régulièrement la ronde en me distant "Ca y est il va piquer, il a repéré un rongeur!", mais ça n'est pas encore arrivé.

La journée est radieuse et je ne me lasse pas du décor presque irréel des sommets éblouissants, enneigés, des montagnes qui se dressent devant moi avec fierté.

Aujourd'hui je ressens un grand besoin de rire, de fêter, de célébrer la vie avec ma famille ou mes amis. Manifestement ça attendra encore quelques temps.
Après que je les ai entendu toute la matinée de l'autre côté de la vallée, une horde de quads/motos me dépassent. Waouw!
En franchissant cette rivière, je suis impressionné à quel point l'eau est claire, transparente! Aussi je note qu'en moto par ici ça doit être exceptionnel, d'ailleurs j'en verrai une dizaine aux abords des villages que je traverse.

Une demi borne avant d'arriver à l'hôtel, je discute un peu avec Jean-Baptiste, retraité qui fait un peu de jardinage. Comme il habite sur le chemin, il a grande habitude des pèlerins. D'ailleurs il me confie qu'en mai et septembre la cadence est infernale. Suivent de près les mois de juillet et août, ex-aequo en terme de débit. J'apprends aussi avec bonheur que la tendance météo est clémente jusqu'à Noël. Peut-être qu'elle me permettra même de passer les Pyrénées par la montagne, même si la voie est signalée "fermée" systématiquement chaque hiver, façon pour les autorités concernées de se déresponsabiliser en cas d'accidents. Enfin j'en saurai plus à St Jean, où on me dira clairement quoi faire et quoi éviter. En effet, chaque année, invariablement, des pèlerins meurent sur le tronçon qui mène à Ronceveaux, souvent surpris par le mauvais temps et puis perdus dans la montagne. Paix à leur âme.

J'arrive donc à l'hôtel. La demi pension est à 55e, plutôt honnête pour un hôtel, très correct soit dit en passant. En fait je commence à me rendre compte du coup que représente un hébergement et un couvert, ce n'est pas rien...
Ce soir: potage consistent, agneau très goûtu (de la région ça va de soi), et gâteau basque!

Hier on me vantait les qualités de fêtard des basques et ce soir je le vérifie. Dans ma chambre, j'entends chanter depuis le rez-de chaussée (je suis au 2ème) vers minuit. La laiterie du village est venue y faire son repas de fin d'année! D'ordinaire ça m'aurait énervé, mais là ça me fait marrer et je trouve ça excellent. Ils ont l'air de bien chanter en plus. Même pas 10 minutes plus je me serai rendormi.











































1 commentaire:

  1. Voici que je termine la lecture du J 40 à 54; intéressant; je vois que tu es sorti de la mini phase morosité; cool ! plus que 665 Km :-), ou pas :-) :-) tes tripes te le diront; profite bien en tous cas; je pense bcp à toi; sois prudent aussi; je t'aime fort !

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