samedi 19 novembre 2016

J40 | Cahors - Lascabanes | 25km

Suis allé délester 1.7kg d'affaires à la poste ce matin, c'est bon pour le moral!

A l'office de tourisme de Cahors en ce moment (19/11, 11h54), bientôt on the road again! :)

A 2kms de Lascabanes, j'arrive au sommet d'une petite bute. Le paysage est beaucoup plus plat, et je constate que je laisse définitivement le massif central derrière moi.
Je me pose un moment et apprécie le soleil qui rougit le ciel dans sa descente. Je me concentre sur l'horizon, et j'y distingue des silhouettes montagneuse, qui semblent toutefois se trouver infiniment loin. Et bien j'apprendrai plus tard que ce sont les Pyrénées! Unbelievable! Elles sont en effet visibles depuis certains endroits du Lot (département où je me trouve), par beau temps, alors qu'elles se trouvent à quelque 250 kms!

Lorsque j'arrive à l'entrée du village, le soleil est déjà caché par le relief alentour. Le ciel se teinte de rose, de mauve, de bleu ciel et de bleu très foncé. On aperçoit même déjà quelques étoiles. A ce moment passe la chanson Rocket Man d'Elton John. Ca me donne des frissons, j'apprécie particulièrement ce moment.

J39 | Bach - Cahors | 26km

Aujourd'hui je fais un peu de recherche en moi. J'essaye de laisser s'exprimer ma créativité, et fais l'inventaire de ce que j'ai particulièrement aimé jusqu'à présent. Il y a quelque chose qui me parle dans le processus de construire ou retaper un une maison ou un gîte, pour y vivre ou pour louer. Trois caractéristiques en particulier: être son propre patron, user de créativité, et le challenge.
Je vois des côtés d'autonomie, de flexibilité, et d'indépendance dans ce genre de projet. Ca me parle.

Sympa la descente le long de cette route qui surplombe la ville de Cahors, illuminée de mille feux car il est passé 18h.
Je marche dans la ville en direction de l'Auberge de Jeunesse, longeant des boulevards bouchés de voitures, dont les conducteurs sont probablement impatients et enthousiastes à l'idée de rentrer chez eux ou bien d'aller rejoindre des amis pour célébrer ce début de weekend.
Je ne me sens pas à l'aise dans cette "grande" ville. Je suis copieusement observé, par des gens qui se demandent peut-être quelle mouche m'a piqué de marcher fin Novembre, avec mes bâtons, mon bonnet, et ma cape de pèlerin.

J'arrive à l'Auberge. Ma clé donne accès à deux chambres jointives, 6 lits dans chaque. J'y fais la connaissance d'Albert, un hollandais qui a travaillé 13 ans en France, est retourné en Hollande depuis, et revient une semaine dans la région "en vacances". On bavarde un peu, et il me suggère une brasserie, où j'irai y savourer une blanche et un burger! Ca change du riz - miettes de thon. Je prends mon temps pour le manger :p
J'aime l'ambiance dans ce bar un peu rétro. Il y a de la musique, les gens viennent y boire un verre, passer du bon temps.

J38 | Cajarc - Bach | 31,5 km

Drôle de nuit, agitée dans mes rêves.

Je démarre à 10h. En périphérie de Cajarc, je fais la connaissance d'un vieux monsieur qui sort de chez le garagiste. "Alors ça aide d'avoir 4 pattes? De mon temps j'avais le bourdon, ça en faisant 3" m'interpelle-t-il. Il a marché vers Compostelle par deux reprises avec sa femme. En montant dans sa voiture, il me sort un "Ultreia" qui retentit fort en moi, et vient me donner beaucoup de courage et d'enthousiasme à l'entame de cette deuxième longue étape d'affilée.

Au bout de 5 ou 6 kms, mes jambes se mettent en pilote automatique. Je m'évade dans mes pensées. Je ne vois pas âme qui vive, c'est "amusant".

Le décor est rocailleux, aride, calcaire. En contraste avec les régions que je viens de quitter, plus luxuriantes. La majeure partie du parcours se fend entre forêts de jeunes chênes.

A un moment je me dis que ce serait sympa de faire une pièce de théâtre avec pour thème "la communication". Dans n'importe quel dialogue, entre ce que A pense et ce que B comprend, il peut y avoir un monde de différence. Tout ça mis en scène, ça peut donner des scènes très amusantes :p

J'arrive au gîte à 18h45, sur les genoux. La dernière minuscule once perceptible de luminosité s'éteint vers 18h30.
Waw, le gîte a beaucoup de charme. Comme je fais mes étirements, Michèle me rejoint et m'en explique l'histoire. En particulier, elle me raconte comme elle l'a retapé, après l'avoir acheté il y a 9 ans: dessabler les murs de pierre calcaire, faire renaître les poutres de châtaigniers,...
Le gros du travail a été fait par son fils accompagné d'un ami, tout juste revenu d'un voyage peu ordinaire puisqu'il a rallié les 13000 kms qui séparent le Vars de l'Inde à pied en 3,5 ans!! Travaillant ci et là pour financer la suite de son voyage.
Le gîte "Arc en Ciel" doit son nom au fait que chaque couleur y est mise en évidence. Chaque couleur a une signification spirituelle. Le blanc représente la pureté divine, le vert l'abondance, une autre couleur l'amour divin,...

J37 | Figeac - Carjac | 30 km

Jusque 12h30 je suis à l'office de tourisme à retaper mes notes. Je me rends donc bien compte que je vais arriver tard au gîte...

A 18h15 j'allume la lampe frontale. Je ne suis que moyennement rassurée. Il me reste 9kms à faire, en grande majorité dans les  bois. Je marche plus vite que d'habitude...
Y'a rien à faire, le noir ça me fait peur. Des mélodies du Seigneur des Anneaux me passent par la tête. Je me dis que si je croise un Nasgul ou un Urukaï, le combat est inégal. Je n'ai que des bâtons non-aiguisés, et je n'ai même pas été entraîné au combat. Je porte un fardeau, mais ce n'est pas l'anneau.
Chaque bruit est amplifié dans ma tête une fois la nuit tombée: Un gland qui tombe d'un chêne, le vent qui balaye les feuilles lourdes de pluie, un oiseau qui s'envole brusquement pris de peur,...
Finalement je me rassure, m'inonde d'Agape (l'Amour Universel) que rien ne peut vaincre donc je ne crains rien :) Je termine l'étape tranquillement.

J'arrive au gîte communal vers 20h (seul, mais c'est inutile de le préciser maintenant :p).

J36 | Livinhac - Figeac | 25,5km

Je me sens extrêmement fatigué sur cette étape (loin de moi l'intention de me plaindre).

Soudain, deux chasseurs. Ils sont en repérage, le jour de chasse c'est demain. Ils traquent du regard les dégâts faits dans les prairies en aval par l'envahisseur: Monsieur Sanglier!
Ils en chassent une cinquantaine par saison, et encore, c'est un petit score comparé à certains de leurs collègues.
L'un des deux a fait le chemin. C'est un marathonien à la retraite. Dans son jeune temps, il avait l'habitude de courir ses 20 bornes tous les jours après le travail.

Un peu plus loin, une ferme. Une autochtone m'interpelle "Vous êtes un réchauffé!". Je lui rétorque un "Pardon?" invocateur de développement. Elle me fait comprendre qu'elle me trouve courageux de faire le chemin en cette saison, alors qu'elle endure bien sa polaire. Son neveu arrive en tracteur. Il possède 200 bêtes, élevées pour leur viande. J'en profite pour lui demander quel est le curieux mélange dont ses veaux se nourrissent le long de l'étable un peu plus bas. C'est du maïs broyé. Mais attention, ici la plante entière est rentabilisée: tige, épis, tout est broyé et ensuite soumis à fermentation sous des bâches pendant 3 semaines, après quoi la potion magique peut être utilisée. C'est un très bon complément alimentaire au foin et à la farine de blé.
Lorsqu'il repart, sa tante m'explique que c'est un bosseur, et qu'il ne fait pas 35h/semaine (format en vigueur en France si j'ai bien compris). J'acquiesce et en profite pour lui communiquer tout le respect et l'admiration que j'ai toujours eu pour les agriculteurs! Exploitants, et en fait, exploités eux-mêmes...

J'arrive à Figeac. Je fais un tour dans le très beau cœur historique de la ville avant d'aller faire des courses chez E.Leclerc.Impressionnant tout ce que j'ai pu acheter pour 7,5e (produits marqués "marque repère" par l'enseigne): Une brosse à dent, un tube de dentifrice, du gel douche (coco), 2 clémentines, une poire, 1 boite du thon à l'huile de tournesol, 1 boite de filet de maquereaux, et 500g de riz complet. Je défie celui ou celle qui peut me donner le prix de l'équivalent au Colruyt :)

Soirée sympatoche au gîte avec Marie, la gérante, et Rachel, une amie qu'elle héberge temporairement.

J35 | Conques - Livinhac le Haut | 24,5km

Ca commence avec 350m de dénivelé pour sortir de la cuvette Conques. Au sommet, je me rends compte que j'ai oublié ma trousse de toilettes à l'Abbaye... Tant pis je ne redescends pas!

J'ai les jambes lourdes... Vraisemblablement la Vinas Del Pays de la veille.

Je m'arrête dans une prairie manger un bout de pain et une pomme. Je ne reste pas longtemps car il fait froid.

La seconde partie du trajet est exclusivement goudronnée. Une première. Route toutefois très peu fréquentée. C'est une route de crête, descendante. Elle offre des panoramas exceptionnels à gauche comme à droite.
Avant d'arriver à Livinhac, je me perds pendant environ 1/2 heure dans la zone de Decazeville...

A peine arrivé à mon logement, je me couche 2 heures, je suis épuisé. En fait, c'est un accueil pèlerin, chez Marie-Christine et Gilbert. M-C me convie généreusement (et d'ailleurs gratuitement) à leur table le soir. Elle a fait du jarret de porc, c'est absolument succulent. Elle utilise le jus de cuisson pour en faire une soupe, avec des pâtes. Ensuite, au tour du jarret! Mijoté avec des patates et des légumes entiers (carottes, navets, chicons). Le tout agrémenté de moutarde. La recette d'un plat réussi. Gilbert nous sert un très bon Merlot du Pays d'Oc. De loin le meilleur vin que j'ai bu depuis mardi  11 Octobre. Son métier actuel: la conception de catamarans de plaisance de A à Z. Extra!
M-C a fait le chemin jusque la moitié de l'Espagne. A quand la suite?
Le soirée est super sympa!

J34 | Campuac - Conques | 21km

Encore au petit soin dans ce gîte "Le Barthas". Petit déj princier.

Je me dirige vers la cité médiévale emblématique de Conques.

Dans un petit chemin, je marche pendant 10 minutes derrière ce qui ressemble à un castor. Je me rapproche à 7 mètres. A chaque fois que l'animal s'arrête pour tendre l'oreille je me fige. Dès qu'il reprend sa marche je l'imite, jusqu'à ce qu'il détale, probablement pris de peur. C'était amusant!

Je pense souvent au fait que j'emboîte les pas de ma maman, d'André, et de Christiane. Je me demande combien de fois nos pas se sont superposés depuis Le Puy.

Je suis étonné et agréablement surpris de voir que certaines vignes portent encore du raison noir mûr, encore délicieux!
Je remarque aussi que depuis que je suis descendu en altitude, la nature est plus verte, l'automne moins avancé. Sur les hauts plateaux d'Aubrac, les arbres étaient entièrement dénudés. La naturisme végétal est donc vraisemblablement fonction de l'altitude (/température).
A Campagnac, je rejoins le GR65. 1500 mètres plus loin, je me rends compte que je l'ai pris dans l'autres sens, haha...

Petit arrêt dans l'Eglise d'Espeyrac.
Avant d'entamer la vertigineuse descente sur Conques, je dépasse 5 marcheurs du weekend, très sympas!
La descente sur Conques est rude, l'arrivée dans la cité historique est particulière. C'est comme si le temps s'était arrêté, ou plutôt, avait reculé. La cité apparaît comme coupée du monde, isolée dans les méandres des forêts et de la montagne. L'authenticité de l'architecture est bien conservée.
Ce soir je loge à l'Abbaye. Dans le dortoir, je rencontre 3 jeunes de Lausanne, arrivés le jour-même dans le cadre de la réalisation d'une pièce de théâtre. Ils sont en quête d'inspiration. Un 4ème sac de couchage se trouve sans propriétaire sur un des lits. Ils me disent qu'il appartient à un Brésilien. Je me dis "Haha excellent, ce bon vieux Carlos!".
Autour du repas on est une dizaine, dont Carlos et moi en pèlerinage. C'est un moment sympa. Avec toutefois beaucoup de retenue, domaine dans lequel je n'excelle pas.

Bénédiction dans l'immense, la démesurée, la majestueuse Eglise de Conques. le Frère Jean-Daniel appelle tous les pèlerins (nous sommes 2) devant l'Autel, et demande au Seigneur de bien vouloir nous apporter Force et Courage jusqu'à Compostelle. C'est un moment fort.
Et à 21h, probablement le plus beau moment de la journée: Jean-Daniel nous joue de l'Orgue. Les mélodies sont gracieuses, la puissance du son envahit l'Eglise et la fait vibrer. L'instant est dominé par une dimension que j'ai du mal à décrire avec des mots. Beaucoup d'émotions. Un mélange subtile entre puissance et humilité.

On termine la bouteille de pinard avec la Suissesse et les deux Suisses dans le hall de l'Abbaye et puis on va se coucher. J'aime échanger avec des artistes!

mercredi 16 novembre 2016

J33 | Espalion - Campuac (Barthas) | 25kms

Brume, brume, brume (Borges, Borges, Borges).
Dans mes moments (et non villes) de grande solitude, je pense à vous tous qui me supportez et m'encouragez, et ça me pousse en avant! Continuez à envoyer des pensées positives, je suis à l'écoute :)

J'arrive à Estaing. Ce village me fait penser à Minas Tirith. Je prends le GR6 vers Campuac, où j'ai trouvé un gîte ouvert pas cher. C'est une variante du GR65 (Genève - St Jean Pied de Port), sur une vingtaine de kms.
Je pense souvent à ma famille et à mes amis. Je me demande ce qu'ils sont en train de faire. Je repense aussi parfois à mon ancien travail, mes ex-collègues.
Je rêve beaucoup en marchant, un peu comme quand j'étais gamin - période école primaire - où je m'inventais des histoires depuis le siège arrière de la voiture sur lequel j'étais assis avec pour point de départ en panneau publicitaire que j'avais vu à travers la fenêtre. Je retrouve donc mon instinct de rêveur!
Beaucoup de montées abruptes dans les bois sur ce tronçon GR6. Les pierres et rochers solidement encrées dans la terre du sentier font office de marches d'un escalier sauvage.

J'ai le luxe de pouvoir pique-niquer en T-shirt assis sur un rocher, réchauffé par les rayons d'un soleil tamisé par des voiles nuageux d'altitude.

Ensuite, ça n'en finit pas de monter et descendre, périodiquement. L'environnement est très vallonné. C'est très beau! Beaucoup de châtaigniers et pommiers sur le chemin. Je ne manquerai pas de me servir.

Superbe étape, et assez physique!
Ce soir je mange des châtaignes accompagnées de saumon en conserve Grand Jury. Quand la gastronomie s'exprime! :D

J32 | Sarbonnel - Espalion | 28km

Pas de petit déj.

Ca fait du bien de revoir le soleil!
Et voilà, c'est fini l'Aubrac. Changement de décor, je redescends dans la plaine. Une allée interminable entre les châtaigniers m'amène à 300m d'altitude. Très beau village, comme la plupart de ceux que j'ai visité jusqu'à présent.

Je m'évade dans mes pensées, sans gouvernail. Plus tôt je rencontre 3 pèlerines. Elles rentrent chez elles le lendemain à midi, travail oblige!

Plus loin, 4 randonneurs qui cassent la croute sur un tronc d'arbre. Je bénéfice d'une part de gâteau! J'en profite pour m'arrêter aussi.

CA fait du bien de marcher! J'apprécie particulièrement le moment où j'arrive au dessus d'Espalion. Du haut du rocher d'où je me trouve, j'ai une vue plongeante sur la ville.
Je me sens fort d'avoir marché 500kms par arriver là où je suis actuellement.

J31 | Nasbinals - Sarbonnel | 15km

De 9h30 à 15h30 je retape mes notes manuscrites sur mon blog à l'office de tourisme. Si on ajoute à cela 2 heures la veille, ça fait environ 8h pour taper 20 jours sur le pc, my god! Je serai p-e plus light dans les prochains posts.

Je vais boire un capuccino au bar en face du gîte pour me donner du courage puis je démarre vers 16h. En marchant vite et sans pauses, j'arriverai vers 19h, soit une heure de marche nocturne.
Rapidement, je traverse des prairies, et... uniquement des prairies. Pour passer de l'une à l'autre, des barrières à ouvrir et refermer. Ca monte, ça monte, et bientôt je marche dans 10 cm de neige trempée. Parfois je m'enfonce dans des creux où la neige m'arrive jusqu'aux genoux. Il pleut, il y a du vent, c'est vachement sport! J'arrive à 1400 mètres d'altitude, point culminant du tracé jusqu'aux Pyrénées je pense.
Passé Aubrac, il me reste un gros 4 kms pour arriver jusqu'au gîte. La nuit est tombée entièrement. Je sors la frontale en un minimum de temps, car il ne faut surtout pas que je me refroidisse. Mes pieds, mes avant bras, et mon pantalon sont complètement rincés, donc les échanges de chaleur sont importants. Le sentier s'enfonce dans des bosquets, ça n'en finit pas de descendre. Avec les précipitations de la journée, et des derniers jours, le chemin s'est transformé en ruisseau. Ca glisse! Je repère assez bien le balisage GR65, donc ça me rassure, je vois que je suis sur la bonne voie.
Soudain un son de cloche à ma droite, je tourne le tête: des dizaines de paires d'yeux, rouges du reflet de la lumière de la frontale, qui me fixent. On dirait des démons qui m'observent, immobiles, avec leurs cornes. Ce sont des vaches.
Un peu plus loin, je lève la tête: à quelque 7 mètres, sur le sentier, deux paries d'yeux qui brillent intensément. Des chevreuils! Ils n'ont pas l'air trop effrayés; ils quittent la route en trottinant.
Le chemin slalome maintenant entre les pâturages. Je m'arrête un instant. J'éteins la lampe. Je ne vois pas à lumière à l'horizon, pas un bruit. Impressionnant!

L'adrénaline qui m'a accompagné sur ce dernier tronçon m'a tenu au chaud. Je suis super content d'arriver au gîte! Thierry m'allume un feu de bois, et la je me pose.

Après le manger, Thierry se pointe avec une bouteille d'Evian. Je me demande pourquoi il m'amène de l'eau. C'est de la gniole qu'il produit lui-même. Très fruité et très très bon, cette potion à tout de même 70 degrés.
Il a remarqué que j'étais Belge, par les expressions que j'utilise. Je tombe de ma chaise quand il me dit qu'un de ses films préférés est... Dikkenek! Ca me fait bien rire, et on échange quelques répliques. "Tu n'me vois pas, tu n'me vois pas..." C'est un bon Thierry, ça se voit qu'il parle avec son cœur. Il adore accueillir les pèlerins et échanger avec eux, notamment en faisant un tour de table avec la même question pour chacun: "Qui es-tu"? Pas évident.
Il travaille pour une société des eaux qui, entre autres, achemine l'eau disponible en grandes quantités sur l'Aubrac vers le sud, par plus de 2200kms de canalisations.
Il y a 20 ans, il a acheté 13 hectares de terrain. A partir de 4 murs en ruine, au milieu desquels poussait un vieil arbre, il a bâti sa maison. Même scénario pour le gîte, qui se trouve à 5 mètres de la maison. Il coupe son bois lui-même. C'est un mec actif, il a de bonnes idées.
Ca lui arrive d'aller faire de la rando dans les Pyrénées, sans savoir à l'avance où il va pouvoir dormir le soir. Contre un rocher, dans un refuge,..
Ca fait 25 ans qu'il fait du parapente. Attention au cumulonimbus!!

Il est 22:44, je me fais une tisane, et je vais me pieuter.
Demain, un joli 28kms, on the road again!

jeudi 10 novembre 2016

J30 | Lasbros - Nasbinals | 20km

"Je m'en irai dormir dans le Paradis Blanc"

En l’occurrence, c'est marcher dans le Paradis Blanc que je m'apprête à faire.

Les camarades de la péninsule sont partis vers 7h, moi je me lève pour aller déjeuner à 07h54.
Wow, il neige à gros flocons dehors! C'est très excitant! Je découvre mon tracé du jour sur le guide IGN. Je suis à 1100m, et ma destination à 1200m. Nice!
Depuis une semaine, le froid me réveille invariablement en fin de nuit. En fait, j'ai un sac de couchage "été", très léger, par dessus lequel je mets tjrs une couverture dipo au gîte, mais elle a très souvent tendance à se retrouver à terre le matin, et le sac n'est pas suffisant haha.
Maintenant, ma motivation pour me lever le matin c'est le petit déj! Pas si petit que ça. C'est indéniablement mon plus gros repas de la journée. Moi qui d'ordinaire avais tendance à boire un verre de Nesquick tout au plus...

Je démarre à 9h30, après que Danielle, heureuse gérante de ce magnifique gîte, eut finit de me résumer son parcours depuis ses débuts dans la coiffure jusqu'à maintenant.
Chacun de mes pas est accompagné de ce joli son qu'on connaît tous, caractéristique des semelles qui s'enfoncent dans la neige fraîche.
La neige devient pluie, et ce beau son se transforme en "flatch flatch".

J'arrive aux portes de l'Aubrac, ce grand plateau d'altitude désertique. C'est la région la moins peuplée de France, environ 8 habitants au km². En hiver, le vent a coutume se souffler violemment. C'est le cas aujourd'hui. Je ne sais pas qui l'a contrarié, mais il a l'air particulièrement furieux... Au milieu de ses rafales, je suis partagé entre euphorie et agacement. On peut voir pas mal d'éoliennes sur le haut des collines voisines. Elles doivent tourner à plein régime...

Ne trouvant pas d'abri protégé, je m'arrête à l'arrache derrière un rocher pour avaler un morceau de pain et de saucisson (mon menu du midi est plutôt constant!).
C'est dingue, même 5 minutes montre en main, c'est trop long. Je repars avec les pieds congelés ainsi que les doigts.
Heureusement, la solution est toujours toute proche! Pour les orteils: flexion, piqué du baton, extension (et oui j'ai deux batons :D). Plus ça fait mal, plus c'est nécessaire. Pour les doigts: faire le moulin à vent dans un sens puis dans l'autre, 20 fois dans chaque, et plus si affinité.

Enfin, un constat intéressant. Lorsque j'interroge mon coeur sur ce qu'il a envie de faire après le chemin, il me chante souvent la même mélodie: ça parle de musique! Peu importe la forme, le fond a l'air d'être là quelque part.
En ce moment, je ressens aussi beaucoup ce besoin d'entreprendre. Avoir des projets. Mine de rien, je ne fais "que" marcher en ce moment. Ca se répète. Vivre le moment présent c'est super, et ça doit continuer. A côté de ça, j'ai besoin de me fixer des objectifs, produire ou créer quelque chose. Car jusque là, je suis quasi exclusivement consommateur. Consommateur de mon compte en banque surtout (rires). Tabernacle, que j'écris "(rires)" comme ça, ça fait vieille interview. Mettons ce qui vient de se passer entre parenthèses.
Une création notable, c'est d'écrire dans mon journal de bord en fin de journée. J'essaye de faire le tri, répertorier les moments dont j'ai envie d'avoir une trace. Ceux que j'ai envie de partager avec vous, mes chers amis, chères amies, ma chère famille. J'aime être acteur de ce projet. Outre poursuivre la lecture de mes livres, un autre projet que j'aime bien c'est de m'intéresser à la région que je visite. Historiquement, géographiquement, socialement. J'ai une autre idée de projet: apprendre l'espagnol. J'en attends d'autres :)
J'ai quelques idées d'autres projets que j'ai envie d'entreprendre after-st-jacques, que je sois arrivé à Compostelle ou pas. Ca devient intéressant :) Ca prend du temps, c'est stimulant.

J29 | St Alban - Lasbros | 20,5km

J'en profite pour dormir tard, pour récupérer de la veille. J'ouvre les rideaux, il neige. Je me recouche.

Je quitte le gîte sous une belle éclaircie, après m'être régalé des confitures maisons disponibles dans le frigo du gîte. Je fais une halte dans l'église du village où j'y allume une bougie.

Le chemin se perd rapidement entre bosquets et prairies. Ces dernières sont occupées par les vaches de l'Aubrac, réputées pour leur viande notamment. Elles ont les yeux noirs, et le pelage d'un brun clair gracieux.
Juste avant de quitter le village, je suis informé que 3 espagnols me devancent. En effet, je constaterai plus tard 3 traces distinctes aux rares endroits du chemin où la neige persiste.
Je vois aussi beaucoup de Pottocks; ces puissants cheveaux de trait à la crinière blonde. Je me sens en bonne forme physique, les jambes légères.

Après une douzaines de kms, le vent se lève, et il commence à neiger. D'abord, il tombe des flocons de forme sphérique, denses, lourds. Ensuite, ce sont de beaux cristaux qui viennent recouvrir le chemin d'un manteau blanc uniforme. On ne voit pas au delà de 40m, et l'averse neigeuse s'intensifie, avec le vent qui va avec. Rapidement, je marche dans 5cm de poudreuse. Je me transforme en bonhomme de neige, excepté pour mes jambes. J'étais dans un bon rythme avant qu'il ne commence à neiger, donc je n'ai pas froid. C'est que du bonheur de marcher dans cette neige! Je pense à toutes les personnes qui apprécieraient ce moment autant que moi et qui sont probablement en voiture ou dans un bureau.
L'averse cède la place aux éclaircies. Le blanc de la neige qui recouvre les sapins tranche avec la couleur brun-orange du tronc, et le vert foncé des épines.

Les chaussures ont percé, donc je ne m'arrête que 5 minutes pour manger une mandarine et un morceau de cochonaille. Je suis récompensé, puisque j'aperçois un bambi à 100 mètres! Il m'a repéré, se fige pendant 2 secondes, puis détalle dans le bois.
Je me suis refroidi, donc j'accélère le rythme jusqu'au gîte.

Qui est-ce que je vois au gîte, les espagnols. Trois amigos, la cinquantaine, qui ont fait toutes les routes connues d'Espagne qui mènent à St Jacques, et qui maintenant s'attaquent à la France. Le premier, Alejandro, a passé 13 années de sa vie à conduire des gens pressés d'un bout à l'autre de la ville de Madrid, avant de partir ouvrir uno Albergue sur le Camino del Norte avec sa femme et ses enfants!Le second, Roberto Córdoba Asensi, était cycliste pro et a couru aux côtés d'un grand coureur belge dont j'ai oublié le nom, au tour de France ou d'Espagne. Le troisième, Ravi, connais pas, inconnu au bataillon.
Je sais tout ça grâce à Alejandro, le seul à parler anglais. La barrière de la langue est frustrante, car les deux autres ont l'air super sympas aussi. ça me motive à me mettre à l'espagnol!
Ces 3 saisis du slip ont marché 40 bornes hier, 38 aujourd'hui, et 32 demain. Ils marchent avec des chaussures qui ressemblent à des chaussures de course à pied.
Danielle, proprio, arrive. Elle fait comme chez elle et met tout le monde à l'aise. Elle m'explique que cette maison est une maison familiale, construite à l'origine par ses grand parents, elle qui n'est déjà plus toute jeune. Les murs sont faits d'énorme blocs de granite. Ces vieilles pierres du pays, conjuguées aux poutres en bois et au feu de bois qui réchauffe la pièce, donnent un cachet très appréciable à ce salon.
Pendant le repas, Alejandro me confie qu'il est très déçu du rouge qu'il a acheté 6 euros, pensant que ce serait du bon vin. Bienvenue en France bro! Il enchaîne "En Espagne, on trouve du très bon vin pour 4 euros, alors que celui-ci en coûte 6 et est très mauvais". Je me réjouis d'arriver en Espagne.
Pour la petite histoire, il avait été attiré par le label "médaille d'argent". J'ai ouï dire une fois de la part d'un responsable vin au Delhaize (qui du coup avait quitté son costume de vendeur un instant), que ces vins là sont en premier lieu des vins qui se vendent difficilement, et sur lesquels on met une belle étiquette pour écouler le stock. Du marketing quoi. Donc en général, plutôt se méfier des étiquettes.

A 21h, les 3 sobreiros sont couchés. Je sors dehors observer les étoiles. La lune est à moitié pleine. Ou à moitié cachée, on ne va pas entamer le débat. Il fait très froid. C'est le calme absolu. On pourrait croire que tout est mort, alors qu'en fait, tout est harmonie.

J28 | Saugues - St Alban de Limoge | 32,5km

Je me lève de bonne heure (7h) pour cette longue étape.
Je mange de plus en plus au déjeuner, c'est impressionnant. Il s'éternise un peu, ce qui fait que je pars à 9h.
Ha oui tiens... Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j'ouvre les rideaux le matin, et je vois un paysage blanc. Une très fine couche de neige s'est déposée pendant la nuit.
Le thermomètre affiche -2 °C. Du balcon du gîte, Catherine me fait remarquer un pèlerin à environ 400 mètres. Je reconnais le protège-sac vert du Brésilien.

Je démarre. L'air est sec, il n'y a pas un poil de vent. Comme je respire à pleins poumons, l'odeur me rappelle les vacances au ski, la cohue et le bruit des remontées mécaniques en moins.
L'étape est faite d'endroits déserts, perdus dans la nature. A intervalles réguliers, j'aperçois Carlos devant, tjrs à quelques centaines de mètres, jusqu'à ce que je le rattrape à mi-chemin.
Après 20kms sans interruption, je n'en peux plus, et j'ai absolument besoin de manger quelque chose. Je me serais bien arrêté au bord du chemin, mais tout est recouvert de neige. Carlos me fait remarquer qu'il y a une Chapelle 2kms plus loin. Dans un ultime effort, je l'accompagne. A côté de la Chapelle se trouve un refuge, où on fait la halte du midi. Des étirements, du pain, du miel, et du saucisson me feront le plus grand bien! lui m'explique qu'il ne s'étire plus, car chaque fois qu'il l'a fait, il se blessait ensuite. Il ne mange rien d'autres que des fruits et fruits secs pendant la journée.
On reprend la route. On marche rarement ensemble, car je m'arrête souvent pour prendre des photos.
Les derniers kilomètres me semblent interminables, et je suis excessivement heureux d'arriver au gîte.
Carlos continue, et optera pour l'option tente. Ké mec ti!
De mon côté, j'ai trop bon d'abandonner mon sac au gîte, et d'aller faire mes courses à l'épicerie en slashs!

J27 | St Privat - Saugues | 19km

Je suis encore une fois reçu comme quelqu'un de la famille, comme si on se connaissait depuis des années. Haha c'est marrant. C'est une ambiance qui me convient très bien et dans laquelle je me sens vite à l'aise. La veille, Michelle m'apporte un bol de soupe, qui complétera très bien mes pâtes assaisonnées de filet de bacon.

Après un petit déjeuner royal pris en compagnie d'Alain, je déploie mes ailes.
Pendant 3km, le chemin flirte avec le flanc de la montage. Au bout d'un moment, on aperçoit le fin fond de la vallée. Je rigole intérieurement, en me disant "Imagine que le chemin passe par là", moi qui redoute maintenant les longues descentes. 90 minutes plus tard, je me retrouve en bas... Et puis 600m plus haut (dénivelé vertical) je suis au dessus de la montagne voisine! A quelque 1100m.
Malgré la grosse ascension, je commence à me les cailler. Météo-France avait donc bien raison, les températures chutent.
Je m'arrête à l'arrache, en bordure de clairière, sous un Pin, où je m'assied pour manger un peu de pain et de saucisson. A peine à la moitié de mon lunch, le vent se lève, et je vois un énorme nuage noir envahir littéralement la vallée d'en bas. Je le remercie d'avoir attendu que j'y sois passé pour faire son entrée. Il me répond "Attends gamin, je ne suis pas venu seul". En effet, je me retourne et vois la même chose qui m'attend dans les prochaines minutes. Cinq exactement. Et c'est une amicale tempête de grêlons qui sévit! Moi qui étais justement si fier de toujours pouvoir marcher en short, c'est moins pratique maintenant. Je sors ma cape. Ce n'est pas une cape d'invisibilité, juste une cape pour me protéger des intempéries. Les grêlons s'accumulent entre mes chaussettes et le haut de mes chaussures, lorsque je décide de reprendre la route, l'averse ne diminuant pas d'intensité et le froid me gagnant.
Avec la chaleur de mes pieds, les grêlons fondent, et j'ai bientôt les chaussures trempées. Il reste 5km.
Ouf, le clame revient après 15 minutes. La marche me réchauffe aussitôt. J'opte sérieusement pour l'option du pantalon pour la suite (il me suffit d'attacher à mon short deux bouts de tissus via fermeture éclair).

J'arrive tranquillement au gîte. Catherine et Patrick m'offrent une tisane, que je chéris particulièrement, après avoir enfilé mes slashs. Une fois de plus, je suis seul dans ce gîte de 10 personnes. Catherine et Patrick ont tous deux marché jusque Compostelle, exception faite pour Patrick qui, en plus de l'avoir fait avec sa femme, le fait aussi régulièrement en tant qu'accompagnateur de jeunes en difficultés ("prisons" pour jeunes, famille d'accueil, décrochage scolaire,..).L'association s'appelle "Seuil". Elle est connue en Belgique aussi.
Je trouve que l'initiative fait beaucoup de sens.D'ailleurs, les chiffres parlent d'eux-mêmes: 63% de réinsertion pour les jeunes (= concrétisation de projets,..) après 1800 kms en binôme avec l'accompagnateur, contre 95% de récidive en sortie de prison lors de la première année. Pendant la marche, je jeune se retrouve face à lui-même, éloigné de son milieu souvent défavorisé, et de ses fréquentations. Il est en connexion avec la nature, et ça, ça doit jouer pour beaucoup aussi. Sans parler des rencontres qu'il fera inévitablement. En plus, c'est une expérience très enrichissante pour l'accompagnateur, comme me l'explique Patrick.

C'est en ami que je suis reçu ce soir. Avant de monter à l'étage, ils me font remarquer l'étrange linéarité du chemin de la Puenta de La Reina à Compostelle. Même linéarité entre les Cathédrales de Reims vers des villes plus à l'ouest en France. Tout ça pour expliquer que l'homme s'est toujours déplacer d'Est en Ouest, du lever du soleil vers le coucher du soleil, comme si le soleil indiquait la direction à suivre. Ca, c'était avant, quand il n'y avait pas de cartes, pas de boussoles, qu'on ne savait pas que la terre était ronde...
Il est par ailleurs amusant de remarquer que St Jacques de trouve à l'extrémité Ouest de L'Europe. Cogitou, cogitou,...

J26 | Le Puy - St Privat d'Allier | 23,5km

Et c'est reparti!
Au matin, je déjeune avec Hermann, arrivé la veille, et Gérard. Hermann, il est tout simplement impressionnant. Il est allemand (comme son nom - et non sa petite taille - pouvait le laisser deviner), et a 71 ballais. Il revient tout juste d'un Trail de 2 mois en Amérique, en pleine nature... Il y aura vu notamment de loups et des ours bruns. Quand je lui demande s'il n'a pas peur de planter sa tente en pleine forêt, complètement isolé de toute aide possible, il me répond la chose suivante: "Ce qui me fait peur, c'est de traverser Lyon et St Etienne en voiture pour venir jusqu'ici. Les gens vont dans tous les sens à toute vitesse, c'est terrifiant". Je me tais un moment.
Quelqu'un lui a recommandé de faire Le Puy - Conques, pour la beauté du tracé. C'est pour ça qu'il se trouve là. Je lui demande si il a un numéro de téléphone, pour rester en contact. Il me dit qu'il n'en a pas besoin, car ses amis sont déjà loin, en pointant le sol du doigt. "Ou bien là haut" que je lui réponds, avant d'enchérir "Finalement, ça n'a pas beaucoup d'importance". Il argumente que si, ça a de l'importance, en faisant allusion à des expériences surnaturelles qu'il a vécues, sans vouloir développer plus loin. Il clôt le sujet en ajoutant "J'ai vu des choses de mes propres yeux, je ne suis pas fou quand même". Ca me laisse sur ma fin!

Je vais acheter ma Créanciale à la Cathédrale. Comme la boutique n'ouvre qu'à 10h, j'en profite pour me poser sur un banc, admirer la grandeur de cette battisse, et faire quelques prières.
Je quitte la Cathédrale. L'aventure continue! Je suis très excité à cette idée. Je déchante lorsque ma douleur au pied gauche refait surface... Je ralentis le rythme, j'écoute du J-J, et ça fera l'affaire pour terminer l'étape sans soucis! Je repense au reportage que j'ai vu la veille à la télé... Quelle inspiration.

Les jambes sont lourdes et je suis très content d'arriver au gîte, après avoir été complètement rincé en deuxième partie de journée.
Juste avant d'arriver au gîte, je vois un pèlerin qui mange une pomme dans ce qui ressemble à un mini-refuge en bois, ouvert sur un de ses flancs.C'est Carlos. Il est Brésilien, et parle parfaitement français! Je lui demande ce qu'il fait là (sur le chemin), il me dit "Je sais pas". Ca me fait encore marrer aujourd'hui, si je m'attendais à cette réponse... En tout cas il a la patate. Il doit avoir 30 ans tout au plus, encore aujourd'hui je n'en sais rien. Il me dit qu'il continue plus loin que St Privat, où il plantera sa tente. C'est vachement courageux, avec le temps qu'il fait, les températures qui sont déjà redescendues...
Je continue ma route. Arrivé au gîte, je suis seul. Alain m'allume un feu de bois, c'est bon ça!!!

J25 | Jour de repos

Je déjeune avec la chinoise arrivée la veille, et qui part pour le chemin de Stevenson (vers le sud). Mince alors! Ppour une fois que je rencontre une fille jeune, célibataire qui plus est!

Enfin soit, je vais me relaxer à la très moderne piscine du Puy. Je ne lésine pas: "Mettez aussi l'entrée à l'espace Wellness svp", tant qu'à faire.
C'est extraordinaire le bien que ça fait. Je reste 4h, ne me déplaçant qu'entre sauna, jacuzzi, hammam, douches froides, et transat. Alors qu'à la base, j'y allais pour nager...

Esnuite, je vais visiter la statue Notre Dame du Puy. Du haut de son rocher, elle veille sur la ville. On y a une vue à 360 degrés, c'est assez pas mal. Allais un peu d'histoire: Napoléon 3 l'a fit érigée vers 1860, à l'issue de la guerre de Crimée. Environ 200 canons en fonte ont été nécessaires pour la construire. Elle pèse environ 800 tonnes, je vous laisse évaluer le nombre de 747 que ça représente...

Le soir je regarde une superbe émission sur France2, sur Goldman-Berger-Balavoine! C'est bon aussi de regarder un peu la télé! J'ai même été captivé par les pubs...

J24 | St Julien en Chapteuil - Le Puy en Velay | 19km

Au petit déj, on parle un peu politique avec Claude. Elle ne fera pas que des éloges de son président actuel. En fait, elle n'en fera pas du tout.
On aborde ensuite la question de la place et du rôle de l'être humain, en société, quelle qu'elle soit. Son mari est médecin, et de ce que j'ai compris, Claude a passé le plus clair de son temps comme femme au foyer, à s'occuper des enfants essentiellement.

Au terme de notre échange, nous semblons d'accord sur un point: L'homme n'a pas été conçu pour travailler. Bien sur, ça ne veut pas dire qu'il ne peut ou ne doit pas travailler...
La prochaine question pourrait être celle-ci: Dans quel but a-t-il été conçu -s'il en est un? Mon interprétation personnelle du moment, c'est que sa mission est d'Aimer.
Seulement il n'a pas beaucoup de temps (même si cette phrase ne veut rien dire, tout le monde comprend de quoi il s'agit)... Afin de lui donner la chance d'accéder à plus d'Amour, Claude et moi cherchons une solution. Il lui faut plus de temps. S'il travaille moins, financièrement ça risque d'être compliqué. Dans cette optique, l'Allocation Universelle est-elle une solution ou fait-elle partie de la solution (conjuguée au travail bien sur, selon les désirs, besoins, motivations de chacun, chacun appelle ça comme il l'entend)? Elle permettrait en tout cas à l'homme d'allouer plus de temps à d'autres occupations que le travail, qui le rapprochent plus près de sa Légende Personnelle ( << L'Alchimiste>>), et par conséquent à plus d'Amour - "L'Amour" ne représente pas que l'Amour entre un homme et une femme (cette forme est appelée Eros ou Philo selon mes souvenirs (<< Le Pèlerin de Compostelle >>)), c'est l'Amour Universel. Et si cette occupation est le travail, alors rien ne devrait changer fondamentalement pour lui :)

Je prends mon lunch au bord d'une grande rivière, à 5km du Puy. Le décor est idyllique.
Quelle satisfaction et presque jouissance d'arriver au terme de cette première étape Genève - Le Puy, au coeur de la vieille ville d'une histoire apparemment très riche. Le chemin passe devant la très imposante cathédrale. Les petites ruelles pittoresques, les maisons en vieilles pierres, les colombages, tout est très joli, en particulier sous le soleil.
Après quelques formalités (office du tourisme, chgmt de topo-guide,...) j'arrive au gîte "Les Capucins". Je jette un oeil au tracé qui mène du Puy à Figeac, lorsque Gerad (>60 ans) entre dans la chambre. Il est en vadrouille, et habite à Bourg-Argental, patelin que j'ai traversé quelques jours auparavant. L'hiver, il travaille dans une station de ski, aux remontées mécaniques. Le reste du temps, à son âge, il en profite pour voyager.
J'ai entendu dire que 'Le Camino' offre l'apéro aux Pèlerins de 17h à 19h. Je passe le mot à Gérard, et lui propose de m'accompagner. L'endroit est fermé à partir de mi-octobre... On va quand même boire quelques bières dans un bar, et des bières belges! Gérard a toujours une bonne descente. Au travers de ses histoires, je remarque qu'il a l'air (aussi) en marge de la société. Il fuit généralement les grandes villes, et n'apprécie pas la "société de consommation", whatever that means. J'apprends beaucoup de son expérience, et quelque part de sa sagesse.

Ca fait du bien de décompresser et de voir enfin un but accompli, le premier tronçon est achevé. C'est un peu comme quand on a fini une série d'examens: on savoure, et en même temps on se prépare pour la suite.

J23 | Araules - St Julien en Chapteuil | 17km

Quelques km à peine après être parti, et sur les conseils de Bernadette, pèlerine rencontrée la veille et qui marchait dans l'autre sens, je quitte le chemin pour me diriger vers le mont Testavoyre (1436m). Il paraît qu'on y a une vue à 360deg, et que par beau temps on peut voir le Mont Blanc et le Mont Ventoux. Malheureusement, aujourd'hui il fait nuageux. Cela ne m'enlève toutefois pas la satisfaction lorsque j'arrive au sommet! Très belle vue sur la petite ville de ma destination, à environ 10km à vol de bécasse.

Dans le prochain village, je rencontre Pascal, artiste et peintre à la fois. Il m'invite à visiter son atelier. Lorsque je lui demande où il puise son inspiration, il me dit "la rage".

Je poursuis mon chemin. Au centre du village, on peut apercevoir des orgues basaltiques, encore une fois, résultat volcanique. Allez voir sur google, c'est très beau.

J'arrive à St Julien, fais mes étirements sur la place, achète quelques vivres au casino, et me rends au gîte de Claude. Chose amusante, je la rencontre en chemin! Elle m'informe que la porte est ouverte et que je n'ai qu'à aller m'installer.
Le soir, je passe un coup de fil à mon paternel, ce qui me fera beaucoup de bien et m'apportera entre autres vigueur et confiance.

J22 | Tence - Araules | 12km

" Another Day In Paradise "

Enfin presque. La solitude refait violemment surface. Sa compagnie m'est pénible. Je préfère encore être seul plutôt qu'accompagné de la solitude. Je deviens clairement grincheux et facilement irritable.
Quelque chose de positif: Je remarque que je suis assez bien parvenu à faire le vide dans ma tête, au fil de ces 3 semaines. C'est hilarant, j'y suis tellement bien parvenu, que ça résonne presque maintenant là dedans!
Flashforward
Après réflexion, je me dis que le fait de faire de si petites distances la journée n'aide pas. Ce faisant, j'ai l'impression de ne rien faire de ma journée. Enfin, l'avantage c'est que ça soulage le corps :)

Je décide, étant en avance sur le planning, de m'allonger dans cette prairie au soleil, afin de tenter de chasser le vide qui s'est installé dans ma tête.

Arrivé chez Gilbert et "Ninou", des fantasmes d’hypocondriaques qui m'ont occupé toute la journée me poussent à appeler mon ami et kiné en même temps. Il ma rassurera aussitôt. Merci copain :p
Bon, je descends ensuite dîner (et oui on est en France) avec mes hôtes. Potage, pâtes, morceau de viande. Comme d'hab, toujours très bien reçu :)
Les murs de la maison font 1 mètre d'épaisseur... Vous y croyez ça? Ils sont faits de pierres volcaniques, dont j'ai oublié le nom (ce n'est pas du granite). Des éruptions volcaniques, qui ne datent pas d'hier, ont façonné le paysage dans cette région. Se sont formés notamment ce qu'on appelle des "Sucs". Ils prennent la forme de minuscules collines, des buttes, bien polies sur le haut. Les Sucs ont été formés par des éruptions non-explosives, des éruptions lentes. En montant, le magma débordait, et s'accumulait gentiment en se solidifiant. D'où les Sucs!


J21 | Montfaucon - Tence | 11km

Le soleil brille de mille feux.
La raison et l'expérience me poussent à enchaîner avec deux courtes étapes. David lui, est parti pour une très longue étape, et a quitté le gîte vers 7h30.
A la sortie du village, je rejoins Guillaume, occupé à faire des photos du paysage. Originaire de Grenoble, Guillaume, la trentaine, est professeur de musique à Lyon, a habité 1 an à Liège lorsqu'il travaillait encore dans l'informatique. La musique me passionne, et on en discute. Ses horaires flexibles lui permettent de venir marcher dans le massif central quelques jours quand il en a envie.
Il s'arrête casser la croûte dans une prairie ensoleillée, je continue ma route.

Le paysage est grandiose, en particulier la vue sur les chaînes des Puys. Les odeurs des forêts de conifères chauffées par le soleil me rappellent ma région.
Ma famille d'accueil du jour m'a demandé de venir > 16h30. Ca me laisse le temps de poser mon sac au bord de cette petite rivière, où j'y tremperai mes pieds pas plus de 2 minutes (l'eau me brûle la peau tellement elle est froide). J'en profiterai aussi pour lire quelques pages du livre << Le Principe LOLA >>. Quel drôle de livre... Et en même temps son contenu me parle.

A 16h30, j'appelle Laurent, qui vient me chercher en face de l'église de Tence. A 3km de là, on rejoint sa femme Dominique, qui nous prépare des courgettes du jardin farcies et parfumées de cumin. C'était comment dire... délicieux!
Laurent a construit une partie de sa maison lui-même, en fait tout ce qui est en bois: ossature, toiture, parquet. Quelle satisfaction ça doit être! Il m'explique qu'il a tiré profit de son expérience de menuisier, lorsqu'il travaillait encore avec son père. J'apprends aussi que des formations sont disponibles, pour permettre aux gens de partiellement construire leur maison de leurs mains. Durée de la formation, env. 6 mois. Intéressant! La propriété de Laurent fait rêver. Maison typique, retirée entre prairies et bois, terrasse en bois, vue imprenable sur les forêts d'en face, un immmmmmmense enclos pour leurs deux cheveaux, qu'il a construit lui-même. Au cours de la soirée, je remarque qu'il se dégage un calme et une sérénité de ces gens... C'est presque dérangeant.
Le couple vit essentiellement d'un gîte qu'ils ont aménagé à quelques dizaines de mètres de la maison, et des divers accueils qu'ils font, notamment de personnes un peu spéciales. En ce moment, ils s'occupent à 3/4 temps d'une schizophrène. Aujourd'hui, ils accueillent aussi un touriste. C'est moi.

J20 | Les Sétous - Montfaucon | 17km

Il a bien gelé la nuit.
A 8h30 Monique nous redescend aux Sétoux. Je m'arrête dans cette chapelle, où j'y achète notamment du miel de châtaignes, production locale ça va sans dire.
On prend le départ sous un soleil qui réchauffe déjà bien. Ce temps est exceptionnel pour la saison, j'en profite doublement!
On rencontre 4 chasseurs, à la recherche d'un de leurs chiens.
A l'instar de la veille, le paysage est indescriptible, et si bien mis en valeur par ce soleil de fin d'été.
On prend le lunch dans une prairie en bordure de forêt, suivi d'une sieste au soleil.

On fait la rencontre d'un autre vieux chasseur, qui chasse le lièvre avec son frère. Il nous explique la technique de chasse avec les chiens (ils les ont dressé eux-mêmes). David ne comprend pas bien le français, je lui ferai la traduction ultérieurement.
Le lièvre se chasse aussi au plomb. La grosse difficulté, comme il me l'explique si bien avec un petit ricanement, c'est qu'ils ne chassent pas l'animal à l'arrêt.
Les chiens reniflent les traces du lièvre. Ils aboient et courent dans tous les sens, c'est impressionnant. La stratégie du lièvre, si j'ai bien compris, c'est de rester immobile, caché, jusqu'à ce qu'un des chiens s'approche un peu trop près, où là il prend la fuite. Avec un peu de chance (pour les chasseurs, pas pour lui) le lièvre choisira de s'enfuir par la praire où nos deux chasseurs occupent deux de ses extrémités. Début le début de la saison, ils ont tiré 5 chevreuils et 3 sangliers. Ils font la découpe eux-mêmes, se partagent le butin, et puis c'est au tour de leur femme de prendre le relais pour cuisiner un bon civet :)
Plus tard, David me raconte qu'il a été faire du camping sauvage en Suède l'été dernier avec des amis, et que ça vaut le détour. Inutile de vous dire que ça me donne des idées! Il a déjà pas mal voyagé: Vietnam et Indonésie notamment, en Honda 110cv. Cette année, il a terminé un bachelier en sciences politiques à Zurich. Après Santiago, il hésite entre poursuivre son Master, ou bien partir en Amérique Latine. Bien que, ce sont des discussion un peu futiles, puisqu'au fond aucun de nous deux ne peut dire ce qu'il aura vraiment envie d'entreprendre au terme des quelque 1580km restants.

Le soir, on rejoint un groupe de 6 papy-et-mamy, équitablement répartis au gîte communal. Ils font des randonnées dans cette belle région. Très sympathiques, ils nous offrent l'apéro, des chanterelles qu'ils ont cueillies la veille (elles iront très bien avec les pâtes!), du saucisson, et même un merveilleux crumble aux pommes en dessert :p
Un individu se détache du groupe. Il a l'air grincheux et pas content d'être là. On dirait qu'il n'a qu'une envie, que le weekend se termine et qu'il puisse rentrer chez lui.

J19 | St Julien Molin Molette - Les Sétoux | 23km

La nuit a été froide. Egalement dans ce gîte non chauffé.
Je prends le départ dans un épais brouillard, si bien que je vois pas à plus de 20m. Après 30min d'ascension, je me trouve au sommet d'une butte. Je m'arrête et observe. Le brouillard ne forme qu'un, et semble vouloir se resserrer autour de moi comme un étau. Un calme absolu règne.
Je suis parti depuis 19j, et j'ai l'impression que ça fait 6 mois. Non pas parce que je trouve le temps long, mais parce que je vis beaucoup.
Après 14km de marche, je sonne pour un hébergement. Je me trouve à présent bien isolé dans la basse montagne, il n'y a que ça et là l'un ou l'autre village ou hameau. Il s'avère que tout est soit fermé, soit fermé. Un seul gîte ouvert se trouve dans le prochain hameau, à 10km, mais la tenante m'a informé qu'il était complet. Je ne parviens plus à la joindre. Je décide de m'y rendre quand même.
Pour y arriver, il faut gravir 500m de dénivelé dans une forêt dense de conifères. J'accélère le pas afin d'arriver avant la tombée de la nuit, c'est à dire 18h30.
A 18h15, je sors du bois, et aperçois le fameux hameau des Sétoux à 500m. Le coucher du soleil sur les montagnes est spectaculaire. Sur le chemin, je rattrape Françoise, qui rentrent les bêtes à l'étable. Chaque jour c'est la même chanson: Elle les sort le matin, et les rentre le soir venu. Elle m'indique la maison de Monique, la gérante du gîte. Le gîte est bien complet (réservé pour un annif, on est samedi) mais elle me conduira généreusement dans un autre gîte qu'elle possède, à 2km.
Entre temps, son mari m'offre une Leffe Blonde! Que je n'aurai jamais autant appréciée. L'authenticité et l'humanité, et j'insiste sur le mot "humanité", qui animent ces gens m'a beaucoup touché.
Alors que le mari m'explique les problèmes mécaniques qu'il est occupé à résoudre sur sa vieille moissonneuse batteuse, Monique reçoit un coup de fil. C'est David, le suisse. Il lui annonce qu'il va entamer la forêt, alors qu'il fait déjà noir. En marchant très vite, il en a pour 2 heures.
Alors que Monique me conduit au gîte, son mari et les 3 enfants partent à la traite des vaches, dans l'entrain et la bonne humeur.
Je suis ultra content d'avoir trouvé un logement, une douche chaude. Comme prévu, David arrive 2h plus tard. Dès qu'on s'est vu on a rigolé, c'était super sympa de se revoir après 2 semaines!
On a beaucoup parlé ce soir là, et il s'avère qu'il fait le chemin pour des raisons similaires aux miennes.

J18 | Chavanay - St Julien Molin Molette | 19km

Journée ensoleillée.
Comme je termine mon déjeuner, la femme de ménage fait son entrée. Super, je ne dois même pas faire la vaisselle!
A peine sorti du gîte, ça grimpe sec! Après 1/2h d'ascension, se trouve dans mon dos un magnifique panorama sur la Rhône, et sur les vignes qui poussent sur les pentes parfois très  abruptes de ses côtes.
Après 3km, je fais une halte dans ce petit hameau ensoleillé. Tout est calme. Ou presque, on entend distinctement le bourdonnement sourd de l'autoroute qui se trouve dans la plaine en contre bas.
Le chemin traverse d'innombrables champs de pommier. C'est la pleine saison. j'en profite pour faire quelques provisions... Soudain mon regard se pose sur la montagne qui se trouve en face de moi. Je me mets à rigoler tout seul, car je réalise le privilège que j'ai d'être là à cet instant là. Des sentiments de liberté et léger té m'envahissent.

A l'heure du pique-nique, je m'arrête au bord d'un sentier à flanc de colline, sur un petit muret. La vue est magnifique, et le calme qui règne dans cette vallée de basse montagne est inspirant. Soudain, un chien se dirige vers moi dans une démarche agressive. Je commence à en avoir marre des chiens qui aboient sans cesse. A chaque fois que j'en rencontre un en liberté, je ne peux m'empêcher de penser à l'altercation décrite dans << Le Pèlerin de Compostelle >>. Je me lève, et pointe un de mes bâtons dans sa direction, en lui disant d'un ton affirmé "Fuck off". Je ne sais pas si le chien parle anglais, mais je pense (et d'ailleurs c'est p-e prouvé) que les chiens comme d'autres animaux ressentent les émotions comme la peur, l'amour, l’agressivité. Il reste à distance de bâton, continue à grogner quelques fois, puis retourne calmement d'où il était apparu, comme si je m'étais volatilisé.
Parfois le chemin marche sur des propriétés privées, et ça ne m'étonnerait pas que certains agriculteurs possédant des champs d'arbres fruitiers élèvent des chiens pour garder ces derniers. En effet, les vols sont fréquents. La veille, le gérant du gîte m'expliquait qu'il ne faut pas plus de 5 minutes à deux personnes pour dénuder deux pommiers et s'enfuir avec leur camionnette garée sur le sentier.
Ca fait 5j que je n'ai plus rencontré de pèlerin. La veille, j'apprends que David est passé par le même gîte. Il a donc 1j d'avance. Aucunes nouvelles de Dominico. A mon avis, il est déjà au Puy!

J17 | Assieu - Chavanay | 15km

Génial de prendre le petit déj dans cette vieille ferme retapée, à très très haut plafond (toit). Les propriétaires vivent du gîtes, d'une ch. d'hôtes, et de ce qu'ils produisent de la ferme. (cochons, volailles, potager, arbres fruitiers). J'ai découvert de la confiture potimarron-tomate-menthe: Merveilleux!
Lorsque je démarre, Thierry vient tout juste d'égorger une de ses dindes (de l'enclos à poules) et est en train de la déplumer (décapitey, videy, plumey). Ca fait froid dans l'dos!

Ok ma douleur au pied gauche du 2eme jour est réapparue. Les conséquences sont moins importantes cependant, car du moment que la route monte ou est plate, ça ne m'handicape quasi pas. Mais peu importe, ça fait plus de deux semaines que je suis parti, et j'estime que mon temps d'adaptation arrive à son terme. Toutes les douleurs qui surviennent maintenant, je les prends avec moi et je fais avec, ça n'a plus d'importance.

J16 | Bellegarde - Assieu | 14km

Il a fait brumeux toute la journée. C'est une autre manière d'apprécier la nature, c'est très sympa.
Soudain, lorsque je lève le regard, tout en marchant, je vois émerger de la brume de majestueux arbres, isolés dans les bosquets voisins. Les arbres semblent flotter, un peu à l'image d'un navire abandonné dans la brume de l'océan qu'on pourrait imaginer avoir vu dans un des "Pirates des caraïbes".

Je fais la rencontre de ce vieux chasseur. Il a la banane le type, il est content d'être là. Il chasse la bécasse (oiseau), avec ses deux chiens (aucun d'eux n'était un épagneul, et il n'était pas non plus 5h du matin).
Ca fait 3h qu'il marche, et n'a pas encore dégommé une seule bécasse. Lorsque je lui demande pourquoi il marche avec son fusil ouvert, il me répond que c'est par mesure de sécurité, pour ne pas se tirer une balle dans le pied (ici ça prend tout son sens). Tiens parlons-en des balles. Dans ce cas-ci (volailles), ce ne sont pas des balles mais du plomb. On peut voir des centaines de billes de plomb à travers le plastique transparent de la cartouche.
Une fois qu'un des chiens a senti une bécasse, il se fige, et oriente, idéalement, son museau dans la direction de la proie. Lorsque par peur celle-ci s'envole, c'est au chasseur de rentrer en action. L'avantage de tire avec du plomb, c'est que les billes se dispersent selon un certain angle (fonction de la distance aussi), et donc ça offre une certaine tolérance au chasseur au niveau de la précision de son tir.
Puisqu'on parle de chasse, je lui confie sur le ton de la rigolade que par précaution, je siffle ou pousse la chansonnette quand je traverse des zones de chasse, pour avertir les chasseurs que je suis un gibier évolué, qu'ils n'ont, j'espère, pas le droit d'abattre.  Il se marre, et me précise que ce n'est nécessaire que le samedi matin, lors des battues, et qu'il est préférable que je porte des vêtements de couleur flash (fluo) afin de mettre toutes les chances de mon côté d'échapper à une balle de carabine dont la vitesse atteint 800m/s à 400m, et dont la portée est de 4000m. En d'autres termes, éviter de finir en triste sire. Je pense que si ce samedi je me trouve à marcher dans les bois, je ne vais pas chanter, mais gueuler jusqu'à ce que mes cordes vocales soient en sang, à défaut que ce soit une autre partie de mon corps qui le devienne.

A par ça je vais bien, physiquement les jambes suivent. Mon coeur se sent seul, challenge que j'accepte avec enthousiasme.
Je vais acheter à manger (du verbe mangare) à l'épicerie du village, avant d'aller m'installer au gîte. Je me dis, je regarde au prix. J'achète donc du crabe à 1,50e. Arrivé au gîte, je m'intéresse aux qualités nutritives du contenu de la conserve. C'est pas terrible... Pour 100g de contenu séché: 0,5g de m.g., 1,6g de Gl., 12g de Pr., 1,4g de sel. Par curiosité, je compare avec le kilo de riz dont je me trimbale les restes depuis 10 jours. Oufti: Pour 100g: 81g de Gl., et 7,4g de Pr. Donc le riz, dont je pensais qu'il n'apportait que des sucres lents, apporte 60% autant de protéines que du crabe en boîte, à poids égal. A noter que, tjrs à poids égal, le riz est 6 fois moins cher que le crabe que j'ai acheté.
Cogitou, cogitou,...

mercredi 9 novembre 2016

J15 | Beaurepaire - Bellegarde | 17km

J'en profite pour dormir jusque 9h.
Le déjeuner est magistral, muesli mélangé avec du yaourt nature, café, lait, baguette et confitures 3*.

En chemin, je fais la belle rencontre de François, qui marche en sens inverse. Il fait Bretagne-Chambéry à pied. Etant un peu angoissé à propose d'un douleur au talon droit, il me fait comprendre que les douleurs aux jambes en toute généralité sont des compagnons fidèles du pèlerin. Lui, marche de l'ordre de 30 bornes par jour.

Le livre << L'alchimiste >> que j'ai terminé la veille m'intrigue.
Tout en marchant, je me livre à cet étrange exercice qui est d'écouter son coeur. Afin de me détacher de mon intellectuel, je me concentre successivement sur les bruits que j'entends, ma respiration, les odeurs que je sens, ce que je vois avec mes yeux, et ce que je ressens par le touché à chacun de mes pas. Au bout d'une dizaine de minutes, je me sens apaisé et détendu. Je ne pense pas que je suis en train de marcher. J'essaye d'interroger mon coeur sur ce qu'il ressent et où il veut aller... (vous devez vous dire, il est devenu fou notre Thibaud). Ce que je comprends c'est qu'il me faut rester sur le chemin. Il me dit qu'il est excité part le fait que chaque jour représente l'inconnu. Il me dit aussi qu'il se sent seul. Une silhouette à cet instant m'apparaît: Celle d'une jolie fille aux cheveux noirs (que je ne connais malheureusement pas) qui ressemble à celle dont j'ai rêvé cette nuit. Haha...Ca me fait sourire du coup :)

Il aura plus très fort aujourd'hui, surtout sur la fin. Mes chaussures sont complètements trempées.

J14 | La Côte St André - Pommier de Beaurepaire | 15km

Journée chaude! Première fois que je marche en T-shirt.
J'ai adoré ce moment lorsque j'arrive à ce petit ruisseau juste avant le gîte.
Je me sentais victorieux d'être arrivé à destination, avec du Fauve dans les oreilles; j'ai savouré cette fin d'étape.
J'ai aussi découvert que marcher en écoutant la radio est très agréable. Patinoire - développement de l’adolescent - dirigeant terroriste - système d'allocation universelle, 750e/mois (très intéressant) - tels étaient les sujets abordés. Les écouter en marchant, observant le paysage, ajoute une dimension à la compréhension et l'assimilation qu'on peut faire des sujets.

L'hôte du gîte, un Hollandais, m'informe de l'actualité en Wallonie (ce fameux traité avec les américains. et canadiens).
Il m'apprend aussi surtout que Napoléon était italien, a chassé dans la plaine que je viens de fouler, a tenté un putsch en Corse, et est passé pas loin de se faire fusiller en revenant de Corse, dans la Caserne militaire qu'il avait donc désertée quelques mois, si ce n'était pour l'insistance d'une personne d'influence de la région qui appréciait bien le jeune Napoléon et vantait ses qualités de provocateur.
Il m'en apprend aussi sur Ponce Pilate - j'adore ces gens qui racontent l'histoire de leur région, c'est passionnant! Tout ça parce que dans les prochains jours, je passe à proximité du Mont Pilate. Donc, Pilate vient de la région de Lyon, a été envoyé à Jérusalem pour calmer les conflits religieux (du temps de Jésus), et a eu une implication dont je ne me souviens pas dans la crucification du Christ. En revenant à Lyon, et ayant échoué à sa tâche, il fut assassiné!

J13 | Grand Lemps - La Côte Saint Andre | 14,5km

Je pars sous une fine pluie. Je me sens fatigué.

Il faut attendre la fin de l'étape pour le clou de ma journée.
On est dimanche, et un seul endroit est ouvert pour aller boire une chocolat chaud, à l'Hotel Europe. Je m'y rends.
J'entre dans le bar de l'Hotel, où 4 personnes s'y trouvent, en plus du patron, Robert.
La conclusion est la suivante: Mes préjugés et ma mauvaise interprétation (s'il en est de bonnes) des signes, ou bien du contexte particulier qui régnait dans ce bar, m'ont empêché de rentrer en contact avec les gens.
Ce n'est qu'une fois mon chocolat chaud terminé, en allant payer au bar, que je commence à discuter un peu avec les gens, et, 2 bières plus tard, je me rends compte que le langage parlé dans cette pièce est un langage d'Amour. J'ai failli y passer à côté, en ne faisant confiance qu'à mes interprétations (qui statistiquement sont fausses dans 90% des cas!).
Très chouette moment de partage.

J12 | Le Pin - Grand Lemps | 11,5km

Waw, je me retourne, et qui vois-je: Le Mont Blanc! Magnifique... Ainsi que le massif de la Chartreuse (chaîne montagneuse reliant Grenoble à Chambéry).
J'ai l'impression que le Mont Blanc se trouve à 40 km tout au plus. J'apprendrai le soir qu'il se trouve à plus de 100km...

La journée est radieuse. Quelle vue en arrivant au sommet de cette colline qui surplombe Grand Lemps. A l'horizon, on peut voir émerger des sommets enneigés.

Le soir j'arrive dans la famille de Line, très catho. Il doit y avoir une vingtaine de livres sur Jésus, Dieu, et bien sur la Bible, dans la chambre où je dors.
Si je retiens bien une chose qui m'a marqué de nos conversations, c'est que c'est en vivant que j'ai le plus de chances de trouver des réponses, plutôt qu'en pensant. Finalement, ça rejoint très bien les idées développées dans << l'alchimiste >> ou bien << Le Principe LOLA >>.

Line a aussi lu << De La Prison A La Louange >> et on aussi pu échanger sur le fait de louer Dieu pour ce qui nous arrive. Et que les levers du matin, et ben, on a vraiment pas le droit de s'en plaindre!

J11 | Les Abrets - Le Pin | 16km

9h30, je démarre dans la brume. J'en échappe rapidement dès que je prends de la hauteur.
Ma forme physique étant stable, j'en profite pour faire un peu de réflexion.
Et la c'est le drame (façon de parler)! Oui, en fait je me rends rapidement compte que je tourne en rond... Je comprendrai plus tard que l'exercice que j'ai tenté de faire est de laisser l'intellect parler. Je suis à présent convaincu que ça ne correspond pas à une bonne approche ( voir Flashforward).
Donc comme je disais, je suis un peu paumé dans mes réflexions. "Les deux minutes du peuple" me remontent bien le moral ce jour-là.

J'arrive à destination, au bord du lac Paladru. J'y trempe mes pieds un dizaine de minutes, tout en appréciant le soleil qui illumine ce magnifique lac de montagne. L'eau est glacée.
Le gîte "Les Balcons du Lac" est top; j'y occupe une chambre 3*.
Je passe une soirée très enrichissante en compagnie de mes hôtes Denise et Jean, un couple octogénaire.
Je leur pose un tas de questions, du style "Comment c'était avant?".
Ils me racontent leur vécu, les temps de guerre où personne ne jetait du pain à la poubelle, même si il avait plus d'une semaine, leur précédent métier d'agriculteur, les périodes de mauvaises récoltes (pendant lesquelles la Châtaigne a sauvé des populations!), l'économie générale sur les denrées alimentaires, bref j'en apprends beaucoup.

Faune sauvage
Les loups sont de retour dans certaines régions de la France. Mes hôtes m'informent que si je rencontre des troupeaux de moutons gardés par des Patou, j'ai intérêt à ne pas m'en approcher. En effet, ces grands chiens blancs protègent les troupeaux, et font ou ne font pas la différence entre un homme et un loup à partir du moment où on s'en approche de trop près. Des accidents + ou - graves ont déjà eu lieu.
Afin de diminuer les populations de Loups, chaque département a reçu un certain nombres de permis pour les chasser.


Flashforward
J'ai l'intuition que c'est en vivant, j'ai envie de dire tout simplement, que les pièces du puzzle vont petit à petit former des ensembles ou sous-ensembles qui, mêmes mélangés, commencent à avoir une signification. J'aime assez bien la représentation imagée du puzzle et des étapes par lesquelles on passe pour le construire.
Je me rends donc compte que c'est le fait d'être immergé dans l'instant présent qui va me rendre service. Alors que l'approche pourrait paraître contre-intuitive, dans notre société où l'accent est définitivement mis sur le développement de l'intellect :) Qui n'est évidemment pas une mauvaise chose... C'est juste qu'il doit y avoir un équilibre entre l'intellect et, et, et quoi? Et le tout simplement le coeur. Il paraît que le coeur, et les énergies qu'on est capables de ressentir-émettre sont à potentiel illimité. Alors que l'intellect est limité. L'approche consisterait donc à mettre l'intellect en veille, et se laisse guider uniquement par son coeur. Exercice difficile à faire... Tu m'étonnes on ne nous a jamais appris à le faire! C'est un beau travail sur moi que je commence :)

J10 | St-Genix - Les Abrets | 14km

La veille en allant me coucher, je mis pour la première fois un sens à la très belle phrase que j'avais vue écrite à Genève, à même le sol, à peine 1km après avoir pris le départ:

Great Things Happen Outside Of Our Comfort Zone

Encore une belle journée.
Il est très agréable de pouvoir pique-niquer adossé contre un arbre face au soleil, ou bien à proximité d'un ruisseau.
Petit pied gauche va de mieux en mieux, ce qui me permet d'augmenter légèrement l'allure, tout en restant prudent.