lundi 5 décembre 2016

J54 | Aroue - Larceveau | 25,5km

Après un très bon petit déjeuner pris en compagnie de papy, qui me raconte quelques anecdotes, je démarre à 08h45 sous les meilleurs hospices.

La matinée est glacée, il a bien gelé la nuit. Mais quand je regarde le ciel et le soleil qui se lève, je sais que dans deux heures il fera suffisamment bon pour que je me remette en short :)
Au fait, 200 mètres avant d'arriver au gîte la veille, j'entrai en Pays Basques! Le Pays Basques est à cheval sur la France et l'Espagne, la plus grande partie se trouvant en Espagne. Dans chaque commune basque de France (il y en a 3), la langue basque peut être enseignée à l'école.
Les Basques sont réputés pour l'attachement qu'ils portent à leur culture, à leurs traditions, et aussi pour leur sens de la fête.

Après 1h30 de marche, le chemin est indiqué à gauche, et une chapelle X indiquée à droite. J'hésite un moment, étant tenté de poursuivre ma route. Finalement je me ravise, et décide de prendre le temps et de vivre l'instant présent, au lieu de calculer l'heure à laquelle j'arriverai au bout de l'étape, comme il m'arrive régulièrement de le faire.
J'ai vachement bien fait car je m'apprête à découvrir une tradition de la région en live.
Sur le chemin qui mène à la chapelle se trouve une ferme. Il y a 3 jours de cela, un retraité recyclé en berger me parlait de la Provision. Aujourd'hui j'en vois une en cours.
Dans la cour de la ferme se trouve une carcasse de cochon, éventrée et étalée sur une planche inclinée à 45 degrés. Autour de la carcasse, cinq hommes au travail, dont un qui manie le couteau et un autre responsable d'arroser en continu la carcasse avec un tuyau d'arrosage sectionné à son extrémité.
Premièrement choqué par la scène, je m'approche timidement.
Je manifeste ma curiosité, et constate avec joie que les hommes sont très avenants et même accueillants, plein d'humour et de générosité dans l'explication de leur savoir-faire. Voici ce que j'en retiens:
La bête de 200 kilos est d'abord immobilisée et couchée au sol. Le cinquième homme l'égorge avec une lame de couteau, à l'ancienne. Le sang est récolté afin d'être utilisé dans la préparation de boudin (noir je présume).
Une fois que la bête est jugée morte, elle se dirige enfin on la dirige étant donné qu'elle ne marche plus vers la planche de découpage ce qui est peut-être la partie la moins marrante quoique. Le cochon y est fixé, la planche inclinée à 45 degrés. Le boucher le vide de ses organes, qui seront placés dans une grande bassine (nous ôtes on appelle ça des piscines). Tout ça se passe à l'air libre, sous un soleil généreux de 10h30. Les organes seront eux aussi transformés en boudin.
Ensuite, de la carcasse on ne voit essentiellement plus que les côtes, la colonne, les pattes évidemment, et beaucoup de gras. La tête a été coupée au préalable. "C'est quoi ça?" demande-je en pointant la bassine du doigt. "Ce sont les poumons" me répond-on, "Comme celui-là ne fumait pas on va pouvoir les consommer!".
Un des hommes exerce une pression du bout de son doigt entre chacune des côtes, demandant au type au tuyau de suivre son mouvement. En fait, il tente de faire s'évacuer un maximum de sang, afin de favoriser la conservation de la viande.
Le boucher, se son couteau, dégage l’entièreté de la colonne vertébrale du reste de la carcasse, avant de l'allonger sur une table pour la sectionner en morceaux d'une vingtaine de centimètres de longueur.
Deux hommes transportent la bassine vers l'étable. J'emboîte leurs pas. Je remarque en fait que c'est l'atelier des femmes. La tête du cochon se trouve à mes pieds, à même le sol. Sur une table se trouvent déjà étalés les intestins de la bête, à l'intérieur desquels on peut clairement distinguer la matière digérée (on appelle ça plus communément de la mert' pour votre information). La prochaine tâche qui attend les femmes est d'aller vider les boyaux dans la rivière et de les y rincer. Ensuite ils seront bien évidemment eux aussi rentabilisés, comme beaucoup de parties du cochon. C'est peut-être de là que vient l'expression "Tout est bon dans l"e cochon". D'ailleurs, le boucher m'informe que 60% du poids de la bête sera rentabilisé et consommé, soit environ 120 kilos dans ce cas-ci! Dingue.
Une fois tous les morceaux découpés etc, ils seront entreposés dans une espèce d'énorme bac en bois, toujours dans l'étable, et inondés de sel pendant une trentaine de jours, après quoi ils pourront se conserver pendant près d'un an!

Un peu remué par cette expérience, comme si ça ne s'était pas réellement passé, c'est le coeur haut et la tête toujours sur les épaules que je décide d'aller tout de même visiter la chapelle, qui s’avérera être fermée.

J'admire le travail, et le courage qu'il faut à ces hommes pour faire ce qu'ils font. Je n'ai pas assisté au moment où ils ont tué le cochon, mais, même si ce n'est évidemment pas le plaisir qui m'y motive, je pense que c'est une expérience enrichissante. L'étape ultime étant d'être à la place du boucher. Bon p-e pas un cochon pour commencer... Mais déjà une poule. Le but étant de me conscientiser , notamment conscientiser mes actions lorsque je vais acheter un morceau de viande dans le commerce.
A noter que, même si de l'extérieur la scène (que j'ai prise en photo d'ailleurs) peut paraître glauque, je trouve que les agissements de ces hommes sont beaucoup plus humains que ce qui peut se passer dans les abattoirs, que ce soit en Europe ou n'importe où dans le monde, et dont on dit que ces endroits sont mieux gardés que les centrales nucléaires. Pourquoi? Parce que si le monde entier voyait la cruauté infernale qui sévit dans ces établissements, la consommation de viande diminuerait sensiblement et ça ce n'est pas bon pour le business!
Mais revenons à nos moutons, enfin cochons. Je voudrais terminer en soulignant la qualité de vie que ce cochon a eu, élevé à la campagne, en grands espaces, de très loin supérieure à celle de ses cousins et cousines élevés en batterie, et dont les mères porteuses n'ont parfois pas la place pour faire un demi-tour sur elles-mêmes.

Je quitte la boucherie pour prendre de la hauteur. Ca fait 2 jours que je foule des régions très peu peuplées. Je ne rencontre presque que des fermes sur mon chemin. C'est dingue le nombre de rapaces qu'il y a  par ici, et dont j'observe régulièrement la ronde en me distant "Ca y est il va piquer, il a repéré un rongeur!", mais ça n'est pas encore arrivé.

La journée est radieuse et je ne me lasse pas du décor presque irréel des sommets éblouissants, enneigés, des montagnes qui se dressent devant moi avec fierté.

Aujourd'hui je ressens un grand besoin de rire, de fêter, de célébrer la vie avec ma famille ou mes amis. Manifestement ça attendra encore quelques temps.
Après que je les ai entendu toute la matinée de l'autre côté de la vallée, une horde de quads/motos me dépassent. Waouw!
En franchissant cette rivière, je suis impressionné à quel point l'eau est claire, transparente! Aussi je note qu'en moto par ici ça doit être exceptionnel, d'ailleurs j'en verrai une dizaine aux abords des villages que je traverse.

Une demi borne avant d'arriver à l'hôtel, je discute un peu avec Jean-Baptiste, retraité qui fait un peu de jardinage. Comme il habite sur le chemin, il a grande habitude des pèlerins. D'ailleurs il me confie qu'en mai et septembre la cadence est infernale. Suivent de près les mois de juillet et août, ex-aequo en terme de débit. J'apprends aussi avec bonheur que la tendance météo est clémente jusqu'à Noël. Peut-être qu'elle me permettra même de passer les Pyrénées par la montagne, même si la voie est signalée "fermée" systématiquement chaque hiver, façon pour les autorités concernées de se déresponsabiliser en cas d'accidents. Enfin j'en saurai plus à St Jean, où on me dira clairement quoi faire et quoi éviter. En effet, chaque année, invariablement, des pèlerins meurent sur le tronçon qui mène à Ronceveaux, souvent surpris par le mauvais temps et puis perdus dans la montagne. Paix à leur âme.

J'arrive donc à l'hôtel. La demi pension est à 55e, plutôt honnête pour un hôtel, très correct soit dit en passant. En fait je commence à me rendre compte du coup que représente un hébergement et un couvert, ce n'est pas rien...
Ce soir: potage consistent, agneau très goûtu (de la région ça va de soi), et gâteau basque!

Hier on me vantait les qualités de fêtard des basques et ce soir je le vérifie. Dans ma chambre, j'entends chanter depuis le rez-de chaussée (je suis au 2ème) vers minuit. La laiterie du village est venue y faire son repas de fin d'année! D'ordinaire ça m'aurait énervé, mais là ça me fait marrer et je trouve ça excellent. Ils ont l'air de bien chanter en plus. Même pas 10 minutes plus je me serai rendormi.











































J53 | Navarrenx - Aroue | 19,5km

Je démarre vers 9h00 dans une ambiance glaciale, malgré un magnifique lever de soleil.
Je gravis quelques marches depuis la place pour constater le caractère de ville fortifiée de Navarrenx.

Très vite, je redeviens irrité et exaspéré, nerveux, dans la continuité de la veille. Je me demande si ma marche n'a pas duré assez longtemps. En même temps je n'ai pas envie d'abandonner. Je me dis que ce sont peut-être des mauvais tours joués par la solitude et qu'il faut que je continue.
Toujours est-il que ça commence à me gonfler de marcher, toujours marcher, sans savoir où je vais. Je passe violemment de "tout est possible" à "rien n'est possible".
Je me console en me disant que je ne dois pas m'attendre à trouver quelque chose de concret au terme de mon voyage. Il est très peu probable que St Jacques m’apparaisse en songe, comme c'était arrivé à Charlemagne selon la légende, et qu'il me dise "Tiens voici le chemin de ta légende personnelle mon garçon".
Ma mission principale sur ce chemin, c'est probablement de m'ouvrir aux gens et aux situations qui se présentent à moi, de récolter des expériences de vie.

Enfin je sors de ce bois confiné dans le creux de la vallée formée par les collines alentours, un bois qui semble obstiné à empêcher le soleil de réchauffer l'atmosphère glaciale qui y règne.
Le parcours redevient vallonné. Les prairies scintillent de mille feux, sous l'action du soleil qui vient irradier la rosée.
Il n'y a pas un poil de vent, pas un bruit. L'instant est magique. J'aime en particulier le contraste entre la végétation encore verdoyante par endroits et la chaîne de montagnes en arrière plan, blanchie par la neige.Saisissant!
Je réalise le privilège qui est le mien. Les oiseaux chantent.

Je prends mon lunch au bord d'un ruisseau, assis en tailleur dans l'herbe. Le soleil tape correctement. Je finis par m'assoupir quelques instants, bercé par le ruissellement de l'eau.

Je remarque que je suis à 500m du gîte. Sans grande conviction, je me dirige vers un panneau d'affichage de l'autre côté de la route. Il s'avère que j'ai bien fait, car une feuille A4 m'apprend que depuis le sommet de la prairie qui se trouve derrière, on a une vue à 180 degrés sur les Pyrénées. Au final, je resterai une quinzaine de minutes assis sur la table d'orientation, à admirer le spectacle. Quelle merveille. C'est très inspirant. Les sommets sont tellement proches que j'ai l'impression que je peux les toucher. Je n'ai pas encore passé ces montagnes que j'ai déjà envie d'y retourner.

La maison est isolée, entourée de prairies où paissent des moutons.Un partie de la maison a été aménagée en gîte. Le cadre est idyllique.
Mes hôtes, un couple probablement plus que septuagénaire, sont charmants. Ils reviennent tout juste de Bretagne où ils possèdent une maison juste au bord de la mer. Si bien que Monsieur m'offre une demi douzaine d’huîtres qu'il a pêchées plus tôt dans la journée, au marteau et au burin (les coquillages sauvages étant attachés aux rochers)!

Après ces huîtres, et cette boîte de cassoulet 2p., je risque de très bien dormir.























J52 | Arthez de Béarn - Navarrenx | 32km

Ce matin pas besoin de radio, j'ai Michèle à mes côtés, qui est venue m'apporter mon petit déjeuner (pas au lit). J'aime me beurrer la biscotte (c'était de la baguette). Les croissants sont superbes, et la confiture aux figues aussi. Après tout, je suis au gîte La Boulangerie.

A 8h15 je quitte le gîte et passe à la vraie boulangerie pour acheter une baguette pour les deux midis à venir. La gérante me demande si tout s'est bien passé au gîte et, dans sa générosité, me fait don d'un pain au chocolat. Qu'est-ce qu'il était bon!

Le soleil est toujours caché par les montagnes quand je me mets en route. Les Pyrénées ont un tout autre visage dans ce contexte.
Arthez se dresse sur un crête, d'où l'on peut voir un plateau qui s'étend jusqu'au véritable pied des montagnes, des Pyrénées Atlantiques aux Pyrénées Orientales, en passant par les Hautes Pyrénées. C'est un spectacle d'exception que j'ai la chance de pouvoir observer par endroits sur presque 180 degrés.

Juste avant de quitter le village, j'interpelle deux marcheurs du matin, pour savoir ce que sont les industries fumantes qu'on peut voir à une dizaine de kilomètres en contre bas. Ils m'apprennent entre autre que c'est une exploitation de gaz, du gaz de "nappes".

Je sors du village par un chemin de crête. Comme je me dirige vers l'ouest, à ma droite j'ai une vue plongeante sur les plates landes, et à ma gauche les sommets montagneux qui se dressent comme une barrière infranchissable, ne formant qu'un sur tout son long, et qui sert également de frontière. Un grondement sourd provenant de la vallée vient perturber le calme absolu qui semblait régner en maître. Ce n'est en fait qu'une autoroute, que je franchirai (par un pont!) 6kms plus loin. Cela n'a toutefois pas l'air d'inquiéter ce chevreuil qui s'adonne à son sport matinal dans le champs de Maïs rasé à ma droite. Tiens en parlant de maïs, les deux autochtones me confiaient plus tôt "En été ça n'a pas la même gueule, on n'y voit quasi rien avec tout le maïs! Y'a intérêt de savoir où on va."
En effet, la culture de maïs est très répandue dans ces régions. Le maïs sert à notre consommation, mais aussi surtout comme complément alimentaire pour le bétail, et aussi pour faire pousser des semences qui serviront à replanter d'autres champs de maïs.

J'entends régulièrement des coups de feu à gauche à droite et des chiens aboyer. La chasse bat son plein!

Les champs et les pâturages fument. C'est l'évaporation de la rosée du matin, sous l'action du soleil omniprésent. Il est à peine 10h, et les températures sont telles que je me mets en short. Je trouve amusant le contraste entre ces bonnes températures et le froid glacial des sommets enneigés que je m'amuse à contempler sans modération.

Je me pose dans une prairie au moment du casse-croute. On est au plus chaud de la journée et je me mets carrément torse nu, jusqu'à ce que je constate que les mouches piquent par ici.

Hyper dur de reprendre la route... Comme la veille.
Mes yeux posés sur la montagne pour la nième fois, je repense à toutes ces fois où je me demandais où je voudrais vivre plus tard, est-ce à la montagne, à la mer, à la campagne, dans un bel appartement en ville, au nord, au sud,... Je pense qu'il n'y a pas de réponde unique. J'ai l'impression que j'ai besoin de changement permanent. D'où notamment mon idée de travailler sur des projets à durée déterminée (l'inverse d'un cdi donc).

Di dju j'ai entendu à la radio un joueur de rugby interviewé, il y avait beaucoup de sens et d'humanité dans son discours! Un certain Vincent, il a tourné dans un film avec Gérard Lanvin récemment.

Plusieurs habitants qui tondent leur pelouse un 1er Décembre, ça c'est beau!

[...]

J'arrive à Navarrenx, l'accueil y est minimal, formatif.

P;S Les nerfs lâchent aujourd'hui, je suis vite énervé et je me demande ce que je fais là. Je suis aussi frustré, et pris d'exaspération de ne pas savoir exactement où je vais.Plutôt paradoxal pour quelqu'un qui marche avec une carte!












J51 | Arzacq - Arthez de Béarn | 30,5km

La journée démarre sous les meilleures hospices.

Il est 8h50, je quitte le gîte communal. Le soleil est déjà levé au dessous de l'horizon. Le ciel est entièrement bleu.
J'aime bien écouter la radio le matin, notamment quand je déjeune, et c'est ce que je continue à faire aujourd'hui sur les premiers kilomètres. Il y a des émissions intéressantes sur certains postes, et puis surtout j'apprécie de démarrer la journée avec de la compagnie.

Après 1/2 heure de marche j'entends "Et notre prochain invité de prestige est Paulo Coelho" avant que le radiologue n'ajoute "dans nos bureaux à Genève". Ca m'a fait drôle! Du coup je redouble d'attention et mets même le second écouteur (je n'en utilise généralement qu'un sur deux, afin de rester en contact avec mon environnement). Ils parlent brièvement du pèlerinage entrepris par l'écrivain, et puis le journaliste l'interroge sur La Légende Personnelle. Qu'est-ce donc? C'est la raison d'exister de chacun répond Paul. La trouver est déjà une chose, mais de là à la réaliser, il y a encore un gouffre énorme ajoute-t-il.
Ca m'a fait quelque chose de l'entendre à la radio comme ça un peu par hasard, alors que j'avais lu deux de ses livres au tout début de mon pèlerinage.
Après ça ils parlent de politique et ça devient moins intéressant. Je retiendrai quand même l'avis de Coelho: "A ma connaissance, le système politique suisse est probablement celui qui se rapproche le plus d'une démocratie, où le peuple va même jusqu'à voter la couleur des poubelles!"

Le relief est très vallonné: soit ça monte, soit ça descend, sur une douzaine de kilomètres. Les zones encore dans l'ombre du soleil indiquent qu'il a gelé la nuit. Ailleurs la rosée fine est parfois éblouissante, reflétant un soleil magistral qui domine dans un ciel bleu azur. Le soleil a vite faire de chasser le froid nocturne ("angoisses diurnes, terreurs nocturnes"), si bien que je retrouve en short, finally! Au milieu de la journée, les températures seront même printanières (un printemps de Belgique...).

Au sommet d'une côte, je rattrape un vieil homme qui conduit des moutons d'un pâturage à un autre, muni de son bâton et de ses bottes. On tape la discute. Il m'apprend quelque chose que je trouve intéressant: La Provision. Dans le temps, les familles faisaient la provision lorsqu'elles abattaient un gros cochon (200-250 kilos) et ce faisant avaient de la viande pour presque toute une année. Ces gens-là devaient avoir un sacré savoir-faire, cars ils faisaient tout eux-même: tuer la bête, la vider, la découper, la nettoyer, et enfin la conserver dans du gros sel.
Aujourd'hui me dit-il, il aurait du mal à trouver acquéreur pour ses 5 moutons. Car maintenant les bouchers se servent généralement chez des grossistes qui fournissent des morceaux pré-découpés. Dans le temps n'importe quel boucher se serait disputer ses bêtes, fussent-ils à vendre. Mais ce n'est pas le cas. Ils servent d'occupation à cet homme à la retraire, c'est sa raison de se lever le matin me confie-t-il.

A peine 200 mètres plus loin, un tracteur accompagné de son agriculteur-pilote s'arrête à ma hauteur.
"Vous êtes bien courageux" dit-il. Sur ce, je lui fais remarquer que le vrai courageux c'est lui, au four et au moulin depuis tôt ce matin, et que moi je ne fais que marcher. Ca lui vaudra d'esquisser un petit sourire.
Avant de repartir, il me souhaite un "Bonne route", plein d'honnêteté et de conviction. Il avait la pêche cet agriculteur, et il me l'a transmise, si bien que je me surprends à rigoler tout seul après son départ!

En fait je constate que marcher en cette saison me sert pour deux raisons:
1) La pénurie grave de pèlerin (et selon plusieurs avis c'est exceptionnel cette année) me confronte davantage à moi-même, ce qui est finalement un peu le but du jeu.
2) Je m'attire l'admiration et l'encouragement des autochtones que je croise au quotidien. Et c'est souvent un bon prétexte pour démarrer une conversation.

De temps en temps je vois des ardoises accrochées aux arbres, avec de belles phrases toujours signées L'Alchimiste.

Petit pique-nique sympa dans l'herbe, avec panorama imprenable. Et quel calme. Que du bonheur. Je fais même une mini sieste de 15 minutes, c'est dire! Blagues à part, je me sens assez fatigué, et je pense déjà à mon lit.

Je pose mon sac au gîte et je vais faire mes courses pour une omelette de feu de Dieu: oeufs-lardons-champignons-tomate fromage rapé + de la ciboulette que j'ai cueillie sur le chemin.
Sur mon retour au gîte, paf, coucher de soleil sur les montagnes. Le soleil, qui a déjà sombré derrière l'horizon, rougit le ciel au devant duquel sont immobilisés quelques nuages sombres, étirés en largeur. Ca me fait un peu penser à un décor de savane. Enfin juste un peu, le froid s'imposant rapidement étant donné le ciel dégagé.













































































































































































































































J50 | Barcelonne sur Gers - Arzacq | 35,5km

Je très enthousiaste lorsque je quitte le gîte et que j'entame cette longue étape.

D'abord couvert, le ciel se dégage dans l'après-midi et les températures deviennent vite très agréables.

Je fais un très court passage par le département des Landes, avant de gagner celui des Pyrénées Atlantiques. Comme je ne cesse de m'en rapprocher, je vois les montagnes de plus en distinctement. J'en suis comme hypnotisé, et mon regard a du mal à s'en décrocher. C'est bien ça m'occupe de les contempler en fait, car les lignes droites sont interminables au milieu de ces champs de Maïs nus.

Je vois beaucoup d'oies sauvages migrer en direction du sud, et ça me fait penser à chaque fois à la chanson!

En casse-croutte, quelques noisettes, un avocat, du pain, et même un peu de miel de chêne tiens, tant qu'à faire!

Je suis content d'arriver au bout de l'étape, toujours debout sur mes quilles. Arrivé à Arzacq je passe au Carrefour, où il me faut toujours lutter contre des achats impulsifs, ça demande de l'entraînement!
Une aubergine, deux échalotes, une tomate et deux cuisses de poulet fermier! Tout ça avec du riz à 80 cents les 500 grammes! Vraiment, le prix du riz m'impressionne, et encore une fois, surtout quand on constate ses qualités nutritives!

Après 1h30 de cuisine, je savoure. Le tout accompagné d'une très bonne Hoegaarden blanche! J'ai entendu dire que c'était bon pour les jambes...

J49 | Nogaro - Barcelonne sur Gers | 25km

Journée très brumeuse.

Au milieu d'une petite route entourée d'immenses champs de Maïs, je rencontre un vieux bonhomme qui observe le déplacement des pigeons voyageurs, des palombes. Il m'explique leur mode de vie. Insolite!

En arrivant à destination, je passe à la boucherie acheter du boudin noir. Ca faisait un petit temps que j'en avais envie! Ca tombe bien, il me reste quelques pommes dans mon sac. Tout ça donnera lieu à un très bon plat: échalotte-boudin-pommes avec du riz et des poireaux frais!
En préparant mon miam-miam je discute un peu avec Bastien. A 29 ans, parisien, il travaille pour une société qui fait dans la pose de fibre optique. Il est responsable de chantier. Il fait les trajets toutes les semaines depuis Paris, et donc ses journées du lundi et du vendredi sont entièrement dédiées aux trajets. En heures payées et avec la camionnette de service. Ca a l'air de bien marcher pour la boîte!

Il s'intéresse beaucoup à ma démarche. Il me confie qu'il n'est pas comblé par ce qu'il fait, et qu'en gros il continue à le faire parce qu'il a une bonne place compte tenu du fait qu'il n'a pas de diplôme, et qu'il faut bien gagner des tunes. Il est en quête de sens. Il aimerait bien faire quelque chose plus proche de l'humain, dans le partage, style prof de sport. Quand je lui demande pourquoi il ne se lance pas, ça devient flou, comme s'il se sentait prisonnier de quelque chose, prisonnier des limites qu'il s'impose lui-même peut-être, sans vraiment en être conscient.

J48 | Eauze - Nogaro | 20km

En prenant mon petit dej, je passe quelques coups de fil en vue de réserver un logement pour le soir. Ca sent le roussi, personne ne daigne répondre!

J'essaye encore de gratter quelques raisons sur les vignes, mais ça devient compliqué, la majorité des grappes rescapées commencent à pourrir.

Par chance, un numéro sur lequel j'ai laissé un msg vocal me rappelle et mon hébergement est confirmé.

Je m'arrête à 1500m du centre du village, sur un banc, pour apprécier le coucher du soleil. Je prends bien mon temps, mon hôte du soir m'a fait savoir qu'elle ne sera de retour que vers 17h30.
On entend des pilotes qui s'amusent sur le circuit de Nogaro. Ca me donne envie, et ça me fait penser à l'époque où on allait rouler en karting à Franco, Genk, Mariembourg (hein les deux concernés!).

De 18h à 19h je fais le choix d'attendre sur un banc à côté de l'Eglise que mon hôte réponde aux appels, étant donné qu'elle semble être en retard. Enfin à 19h elle m'annonce qu'elle sera chez elle dans 30min. Enfin bon je suis soulagé, le logement tient toujours :p

Le soir je regarde un magnifique reportage sur la carrière de Julien Clerc (alias Paul-Alain).

J47 | Tollet - Eauze | 21km

Alors Eauze, Eauze, redonne à ta vie sa vraie valeur

La veille en allant me coucher, je clamerai fièrement que le lendemain je serai debout à 8h. En réalité, je me lève à 09h45, descend en bas prendre un daf, et retourne me coucher jusque 13h.

A 14h, je vais remercier Alain pour son invitation. Il était en train de se reposer, ayant travaillé le matin déjà, avant de reprendre de 15h à 18h. Il me rappelle que je suis le bienvenu pour les vendanges en 2017. Il m'informe aussi que le tracé historique (cad celui emprunté au Moyen Age), qui mène à Eauze, est plus court que le GR65 qui a été dévié pour des raisons probablement économiques. C'est exceptionnel, mais des fois le GR dévie du chemin "historique" pour passer dans tel ou tel village, faire marcher les commerces et les hébergements. Certains déplorent que le chemin s'est transformé en business ces dernières années, évolution liée à l'explosion de popularité du chemin sur ces quelques dernières années.

Ce n'est pas pour me déplaire de faire 6km en moins aujourd'hui, et donc je suis l'itinéraire historique! Je pique-nique devant un panorama magique: J'ai une vue, très lointaine certes, sur presque l'ensemble des Pyrénées, éclairées par les projecteurs, enfin bon le soleil.

A la tombée de la nuit, j'allume ma bonne vieille frontale, et je tombe sur Jean-Michel, responsable de la petite chapelle du coin et également prêt à repartir vers Eauze. Après une petit visite guidée de la chapelle, on fait la route ensemble jusque Eauze. Je suis bien content de ne pas faire ces 8 derniers kms dans le noir tout seul.

A 20h on arrive en ville. Je n'ai rien réservé pour ce soir. J-M me conseille de sonner à Pauline (donativo), qui m’accueillera super gentiment à l'improviste. Elle m'apporte une soupe, un morceau de poulet, et une délicieuse potée! Miam!

J46 | Castelnau - Tollet | 19km

Petit étape tranquillou.

A mi-chemin, je fais un petit tour dans la ville de Condom. L'ambiance y est particulièrement morose, et il n'y a pas un chat dans les rues. J'apprends par un postier que, comme c'est le temps de midi, tous les commerces sont momentanément fermés. Et comme précisera-t-il "Ce ne sont pas des énervés ici", la majorité ne rouvre pas pas avant 14h30.

Après Montcuq, maintenant Condom (même si pour des raisons évidentes de prévention, l'inverse est préconisé). Je me demande si c'est bien catholique tout ça, et en particulier si l'itinéraire a l'aval du Pape. Cela n'a pas l'air de gêner l'opinion publique à outrance en tout cas. Quoiqu'il en soit, force est de constater que je suis un pèlerin en quête à Condom.

J'arrive au gîte-ferme vers 16h30. Je prends une douche, moment toujours très apprécié, et puis je fais un peu de lecture à la table de la cuisine tout en dégustant un très bon vin artisanal sur les bons conseils d'Alain, heureux agriculteur responsable du gîte. Il en profite pour m'informer qu'il reçoit des collègues ce soir, et qu'ils dormiront au gîte. Il me convie d'ailleurs à l'apéritif, dès que j'en aurai l'envie.
Je finis tranquillement le petit souper que je me suis préparé, et puis je prends la direction de l'apéro, sans grande conviction et me sentant un peu fatigué. En sortant du gîte, je suis loin d'imaginer la soirée qui ne fait que commencer.

J'arrive à la salle de dégustation en même temps que les convives. Alain nous sert immédiatement un vin blanc liquoreux. Il tient une exploitation de taurillons, et possède également des vignes. Son problème au genou vient d'ailleurs d'une altercation avec un taureau.
Tout ce qu'il produit est bio, et sans sulfites. Et surtout délicieux!
Après, on a droit à un apéritif préparé à base d'Armagnac, mélangé avec du mousseux. L'Armagnac est la fierté locale (notez la ressemblance avec cognac, pas si si loin, enfin tout est relatif)
Autour de la table, on a 3 rugbyman (ils jouent en 3eme nationale, déjà un très bon niveau étant donné la popularité de ce sport en France). Deux énormes bases, ils jouent en première ligne. Et un troisième, plus rapide et plus sec, mais ça se voit quand même directement qu'il fait du rugby ou qu'il est bûcheron. Viennent compléter le groupe l'ancien entraîneur du groupe et un dirigeant du club. Ils se connaissent très bien apparemment, et ont beaucoup d'humour. Ainsi par exemple, le dirigeant  comme ils l'appellent, est champion de France de Curling et représentant olympique, et l'entraîneur n'a plus bu une goutte d'alcool depuis 15 ans. Ce sont des bons vivants, des gens très abordables et qui aiment se faire une bonne bringue!

Alain nous fait ensuite visiter sa cave, où sont entreposés les fûts, le pressoir, et tout le tralala. Il nous explique comment il travaille. Sa passion et sont enthousiasme sont communicatifs. Il ouvre un fût, siphone, et remplit nos verres. Un apéritif très fruité, encore une fois à l'Armagnac, et qui vaut probalement tous les apéritifs que j'ai pu boire jusqu'à aujourd'hui.

Tout le monde se dirige vers le repas, et normalement la soirée s'achève là pour moi. Dans l'élan de la soirée, Alain me propose de me joindre à leur table. J'hésite un peu. Là dessus le dirigeant enchérit "Partir maintenant c'est tricher". Il n'en faut pas plus pour me convaincre de rester!
Et là c'est parti, soupe à l'oignon et à l'ail, foie gras en entrée, et un somptueux canard braisé un plat. Le tout accompagné d'autant de vin qu'il y a de raison. Je précise que comme il n'y a pas de sulfite, à chaque gorgée le cerveau est davantage épargné qu'à l'accoutumée.
Ca parle beaucoup rugby, avec des histoires complètement insolites et rocambolesques, ponctuées par l'accent du sud (Toulousain en l'occurrence). Alias Pépé, que l'on pourrait assimiler à un nounours géant (mais à qui je ne voudrais tout de même pas avoir à faire), est un conteur d'histoires né. Malheureusement, je ne peux pas en révéler beaucoup ici!
J-C lui, explique la fois où l'un des leurs s'est pris une "gauffre", ce qui lui a valu 3 dents en moins à l'arrivée. Sans compter que, et ce qu'il apprendra ultérieurement par son dentiste, toutes les dents de la même rangée ont été déchaussées. Elles tomberont successivement au fil des semaines.

Il se dégage de ce groupe une loyauté, une fraternité, une alliance, et une joie de vivre que j'aime beaucoup. J'en profite pour témoigner ma reconnaissance envers Alain et ma joie de partager cette soirée avec tout le monde. Cette soirée est singulière pour moi, et restera un très très beau souvenir.

J45 | Lectoure - Castelnau (Mourelet) | 24km

Au p'tit dèj, Véronique nous raconte son histoire. Commerciale confirmée, elle fait le chemin en 2004, démissionne en 2006 pour changer de vie et acheter cet ancien restaurant qu'elle transforme en gîte. Dans une semaine, elle ferme le gîte pour un autre tournant dans sa vie. Nous sommes donc ses 2 derniers pèlerins, et elle nous dit qu'elle en est heureuse.

J'entre dans la magnifique cathédrale de Lectoure. Lectoure est une ancienne cité romaine, défensive du haut de la colline qu'elle habite.

En fin d'étape je longe une exploitation arboricole de grande taille. Ce sont des pruniers, pour faire des pruneaux! J'y achète un paquet de 500g. Ils sont très bons ces pruneaux d'Agen!
Après que j'en ai manifesté l'intérêt, le gérant, très avenant, m'explique le processus de production accompagné d'un peu d'histoire comme d'hab :D
Les prunes originaires de Damas, furent importées dans la région par les Croisés. Une fois récolté, le fruit est chauffé à l'air à 80 degrés pendant environ 24 heures. Et grosso modo, paf ça fait des pruneaux! Assez onéreux finalement, 6e / kilo.

Le soir je suis accueilli par J-P (donativo). Il parle peu, et en fait, est très touchant. Les mots ne sont pas nécessaires pour qu'on se comprenne.
Potage potirons du jardin, fromage des Pyrénées, gratin Dauphinois et une tarte aux pommes en dessert; Top!
J-P a passé près d'une année en Belgique, près de Namur. Ce qui l'a particulièrement marqué, c'est la gentillesse des gens. Ca a probablement du être réciproque, car c'est une crème J-P! Il est né à Genève tiens.

Il m'apprend que la région regorge de Bastides, ce sont des villages ou petites villes. Elles ont émergés à la campagne, à la suite de la guerre de cent ans. Durant cette période, les citoyens s'étaient réfugiés dans les villes et avaient désertés la campagne. Afin de repeupler le, milieu rural, et relancer l'agriculture, le roi octroya des privilèges aux paysans alors réfugiés dans les villes (e.g. terres agricoles offertes, exonération des taxes,...). De ce mouvement sont donc nées les Bastides.

J44 | Espalais - Lectoure | 34km

Aujourd'hui je détiens une énergie impressionnante. P-e les 2 oeufs du matin!

Je suis super motivé à l'idée d'entamer cette belle étape. Peu après mon départ, je rencontre un vieux fermier qui a la patate. Il me parle du Nomade comme il le surnomme, un type du coin qui a fait le tour du monde à pied!

A midi, un avocat et quelques cacahuètes feront l'affaire.

Après 25km, la fatigue se fait sentir. Pilote automatique jusqu'à Lectoure.

Dans la toute dernière côté qui mène à la ville défensive de Lectoure, j'écoute Né en 17 à Leidenstadt. Cinq minutes plus tard, je rencontre un allemand au gîte. Y'a pas de hasards!
Georges, 66 piges, revient de Compostelle en vélo. Ing. civil de formation, globe trotter à 26 ans, consultant et envoyé en Afrique (Buruundi, Somalie,...) ensuite en tant qu'ingénieur de projet pour des projets de développement (eau potable).

Georges a des histoires passionnantes à raconter. On, enfin lui, discute beaucoup. Moi, à l'aise dans mon rôle d'écouteur, j'apprends.

Je remarque que le fait d'être uniquement 2 (ici 2 pèlerins, mais je constatai la même chose la veille avec Cyril!) favorise l'intimité du dialogue. C'est un entretien exclusif quoi, un avantage tiré de la pénurie de pèlerins. Il y a toujours des avantages dans toutes situations. La veille par exemple, et parce que le courant passait bien, Cyril m'a confié des choses dont il fait très rarement l'étalage.

Avant de nous coucher, Georges me demande "Tu has pris de la Lectoure affec toi?". Je lui réponds que j'ai 5 livres dans mon sac.

J43 | Moissac - Espalais | 19,5km

A 07h45 je suis au taquet pour prendre mon petit dèj dans la cuisine. Mais qqn a oublié de le préparer. L'autrichien me gratifie d'un des oeufs qui lui restent. On se marre à fond. Il est un peu déjanter et pas forcément tout seul dans sa tête, on se comprend assez vite.

Bon du coup j'attends l'arrivée du personnel, je déjeune, et je démarre. Petit passage par l'abbatiale où j'en profiterai pour donner un peu de force aux intentions que je transporte dans mon sac.

Ca monte et ça descend, avant de longer le canal, et puis je suis arrivé à destination. Carlos lui va la faire cool pour voir comment évolue son pied, et p-e faire un jour de repos.
J'apprendrai plus tard (par Cyril) que les très imposants arbres qui bordent le canal sont des platanes. ils auraient été plantés sous l'impulsion de Napoléon, qui avait l'habitude d'en faire autant le long des voies empruntées par ses armées, afin de leur faire de l'ombre et les préserver pour le combat.

C'est donc Cyril, hospitalier, qui m'accueil au gîte.

En début de soirée, on sympathise devant le feu de bois accompagnés d'un bon petit vin local. il est très correct ce vin, et son prix encore plus: il faut compter 8e le cubis de 5l!! Je suis ravi de constater que qualité ne rime pas nécessairement avec prix, à condition d'être bien informé.
Elle a une âme cette demeure. Notamment le hall: Long et plutôt étroit, il contient le poêle à bois, 2 divans en cuire en face du feu, une bibliothèque murale bien garnie, et un ingénieux système de sèche-linge câblé et monté sur poulie.

Cyril nous a cuisiné un magnifique potage de saison (pdt, choux vert, navet,...). On parle beaucoup de spiritualité et de sujets aussi variés que personnels. Cyril, la quarantaine, me partage son vécu et les épreuves qu'il a traversées. C'est très enrichissant pour moi. Notamment, je me surprends à faire beaucoup de liens avec les concepts discutés dans Le Principe LOLA. Je lui en fais donc part, et on constate qu'on se comprend bien. C'est fascinant pour moi de voir le lien entre ce que j'ai lu, ce qui s'apparenter à de la théorie pour l'instant, et son vécu raconté par ses propres mots, la pratique.

Je vais me coucher la tête plein d'informations!

J42 | Lauzerte - Moissac | 24,5km

Il fait déjà très doux dehors lorsque je quitte ma chambre pour aller prendre le petit déjeuner dans le réfectoire du camping, vers 08h15.

Petit visite de Lauzerte, classé parmi les plus beaux villages de France.

RAS sur cette étape, si ce n'est que comme la région redevient arboricole je fais le plein de pommes et de prunes.
Ha oui et je suis aussi étonné de voir la manière avec laquelle ça discute des primaires à la radio (quand je m'ennuie vraiment ou que j'ai un coup de blues je mets la radio sur mon SanDisk mp3 à 60e à mémoire extensible qui défonce Apple et son Nano de m hors de prix pour notre époque à 180e ou qqch ainsi avec mémoire non extensible!). Des discussion essentiellement axées sur la forme et très peu de fond. Etonnant! "Qu'est-ce qui a manqué à un tel pour battre un tel"... Chacun fera son interprétation de la pertinence d'une telle question posée par un journaliste.

J'arrive dans la banlieue de Moissac. Jacquouilles exprimera mieux que moi mes impressions du moment (https://www.youtube.com/watch?v=IQAUM0uNkcw). Par contre je vieux centre est joli. J'ai réservé ma nuit dans un ancien carmel (endroit où les soeurs carmélites s'enfermaient!). Et évidemment qui est-ce que je vois assis sur un banc en arrivant dans l'enceinte du bâtiment (ça ressemble un peu à un monastère): le brésilien. Malheureusement il s'est fait mal au pied et a eu beaucoup de difficultés à terminer l'étape.

Un pèlerin autrichien que je rencontre dans la cuisine en libre service, Uli, m'apprend que David, Alic, et Thomas se trouvent devant à 1j de marche. Alice est bretonne, Thomas belge. Uli prend le train le lendemain -> St Jean Pied de Port afin de pouvoir arriver à Compostelle selon son planning. Il a marché depuis Innsbruck jusqu'ici (Alex tu l'as p-e vu d'ailleurs, il a démarré le lendemain du jour où tu as visité la ville :p)!

Le soir on passe une très bonne soirée en compagnie de Carlos, un résident, un un type qui travaille dans la région et loge au carmel. Ca fait du bien de rire!!

J41 | Lascabanes - Lauzerte | 23km

J'ai piwe que bien dowmi!

Je quitte le gîte vers 9h du matin, dans le clame absolu et sous le lever du soleil.

Etape très plate, à l'instar de la veille.

Je m'arrête comme promis au marché de Montcuq. Wow, il faut savoir se contrôler: du miel par-ci, du saucisson et du fromage par-là, des fruits et légumes en abondance... Surtout quand on commence à avoir un petit creux :D
Je m'arrête au stand fromages en adressant un "Excellent choix!" au client qui vient de passer commande. On éclate de rire et on se fait une accolade amicale. C'est Carlos! La dernière fois que je l'ai vu, et par ailleurs la dernière fois que j'ai vu un pèlerin, c'était à Conques, 1 semaine et 170kms plus haut.

Damn! Ca fait du bien de le retrouver. On échange nos péripéties respectives tout en visitant le marché.
Plus loin j'achète du miel de chêne. De ce que j'ai compris de la vendeuse: Le miellat du chêne est sécrété par l'arbre lorsque le climat le permet, c'est à dire lorsqu'il y a de grandes variations de température entre le jour et la nuit. C'est donc uniquement le facteur température qui entre en jeu pour le chêne! La suite est assez simple, les abeilles viennent butiner cette substance qui s'accumule en dessous des feuilles du chêne, et puis ramènent leur récolte à la ruche. Ensuite le contenu de la ruche est raclé et directement mis en pot, pour la vente.
Pour le pin par exemple, le processus est totalement différent (on fait aussi du miel de pin!): le puceron vient piquer les épines de pin, desquelles s'échappe la sécrétion du pin, que les abeilles viennent butiner. Dans ce cas-ci donc, ce sont les pucerons qui sont les déclencheurs!
Plus loin encore, j'achète un rouge à 6,5e, année 2007. Produit près de Cahors, 70% Malbec, 30% Merlot.

En chemin on discute beaucoup avec Carlos, sur des sujets très variés, e.g. le développement de soi et ce qu'on pourrait appeler la spiritualité. J'en apprends plus sur lui. Il est chercheur en neurologie chimique. Une partie de ses recherches porte sur l'identification des neurotransmetteurs sollicités lorsque des émotions fortes, telles que la peur ou la joie, se manifestent chez l'être humain. Il a passé déjà environ 3 ans en France, par intermittences, pour le travail. En fait il était tranquillement en Bretagne dans la maison de son beau-frère, après qu'il eut remis sa démission, et il s'est dit "Tiens je vais aller au Puy et faire le chemin de Saint Jacques".

Je fais ma pause lunch. S'arrêter c'est pas son truc, et donc il continue, ayant ouvert un sachet de cacahuètes dans son petit sac à dos lui même ouvert qu'il porte sur son devant, un peu comme une poche de Kangourou, c'est d'ailleurs très amusant!

Arrivé à Lauzerte, les gîtes sont soient fermés soient réservés par des privés. Je termine à l'hôtel-camping du coin, à 2kms en bas de la cité fortifiée. Un couple de Belges m'y conduit. Ils se sont installés dans la région il y a 15 ans. Je me retrouve à l'arrière de leur voiture, entre le coffre et la banquette arrière, à côté du frigo qui passe tout juste dans la voiture.

Dans la chambre il y a la télé, et je suis ravi de la regarder de 18h à 22h30. J'y apprends d'ailleurs la victoire de François Fillon aux primaires de la droite. C'est donc après avoir traversé Montcuq que j'apprends la victoire de Fillon. Ca ne s'invente pas!

samedi 19 novembre 2016

J40 | Cahors - Lascabanes | 25km

Suis allé délester 1.7kg d'affaires à la poste ce matin, c'est bon pour le moral!

A l'office de tourisme de Cahors en ce moment (19/11, 11h54), bientôt on the road again! :)

A 2kms de Lascabanes, j'arrive au sommet d'une petite bute. Le paysage est beaucoup plus plat, et je constate que je laisse définitivement le massif central derrière moi.
Je me pose un moment et apprécie le soleil qui rougit le ciel dans sa descente. Je me concentre sur l'horizon, et j'y distingue des silhouettes montagneuse, qui semblent toutefois se trouver infiniment loin. Et bien j'apprendrai plus tard que ce sont les Pyrénées! Unbelievable! Elles sont en effet visibles depuis certains endroits du Lot (département où je me trouve), par beau temps, alors qu'elles se trouvent à quelque 250 kms!

Lorsque j'arrive à l'entrée du village, le soleil est déjà caché par le relief alentour. Le ciel se teinte de rose, de mauve, de bleu ciel et de bleu très foncé. On aperçoit même déjà quelques étoiles. A ce moment passe la chanson Rocket Man d'Elton John. Ca me donne des frissons, j'apprécie particulièrement ce moment.

J39 | Bach - Cahors | 26km

Aujourd'hui je fais un peu de recherche en moi. J'essaye de laisser s'exprimer ma créativité, et fais l'inventaire de ce que j'ai particulièrement aimé jusqu'à présent. Il y a quelque chose qui me parle dans le processus de construire ou retaper un une maison ou un gîte, pour y vivre ou pour louer. Trois caractéristiques en particulier: être son propre patron, user de créativité, et le challenge.
Je vois des côtés d'autonomie, de flexibilité, et d'indépendance dans ce genre de projet. Ca me parle.

Sympa la descente le long de cette route qui surplombe la ville de Cahors, illuminée de mille feux car il est passé 18h.
Je marche dans la ville en direction de l'Auberge de Jeunesse, longeant des boulevards bouchés de voitures, dont les conducteurs sont probablement impatients et enthousiastes à l'idée de rentrer chez eux ou bien d'aller rejoindre des amis pour célébrer ce début de weekend.
Je ne me sens pas à l'aise dans cette "grande" ville. Je suis copieusement observé, par des gens qui se demandent peut-être quelle mouche m'a piqué de marcher fin Novembre, avec mes bâtons, mon bonnet, et ma cape de pèlerin.

J'arrive à l'Auberge. Ma clé donne accès à deux chambres jointives, 6 lits dans chaque. J'y fais la connaissance d'Albert, un hollandais qui a travaillé 13 ans en France, est retourné en Hollande depuis, et revient une semaine dans la région "en vacances". On bavarde un peu, et il me suggère une brasserie, où j'irai y savourer une blanche et un burger! Ca change du riz - miettes de thon. Je prends mon temps pour le manger :p
J'aime l'ambiance dans ce bar un peu rétro. Il y a de la musique, les gens viennent y boire un verre, passer du bon temps.

J38 | Cajarc - Bach | 31,5 km

Drôle de nuit, agitée dans mes rêves.

Je démarre à 10h. En périphérie de Cajarc, je fais la connaissance d'un vieux monsieur qui sort de chez le garagiste. "Alors ça aide d'avoir 4 pattes? De mon temps j'avais le bourdon, ça en faisant 3" m'interpelle-t-il. Il a marché vers Compostelle par deux reprises avec sa femme. En montant dans sa voiture, il me sort un "Ultreia" qui retentit fort en moi, et vient me donner beaucoup de courage et d'enthousiasme à l'entame de cette deuxième longue étape d'affilée.

Au bout de 5 ou 6 kms, mes jambes se mettent en pilote automatique. Je m'évade dans mes pensées. Je ne vois pas âme qui vive, c'est "amusant".

Le décor est rocailleux, aride, calcaire. En contraste avec les régions que je viens de quitter, plus luxuriantes. La majeure partie du parcours se fend entre forêts de jeunes chênes.

A un moment je me dis que ce serait sympa de faire une pièce de théâtre avec pour thème "la communication". Dans n'importe quel dialogue, entre ce que A pense et ce que B comprend, il peut y avoir un monde de différence. Tout ça mis en scène, ça peut donner des scènes très amusantes :p

J'arrive au gîte à 18h45, sur les genoux. La dernière minuscule once perceptible de luminosité s'éteint vers 18h30.
Waw, le gîte a beaucoup de charme. Comme je fais mes étirements, Michèle me rejoint et m'en explique l'histoire. En particulier, elle me raconte comme elle l'a retapé, après l'avoir acheté il y a 9 ans: dessabler les murs de pierre calcaire, faire renaître les poutres de châtaigniers,...
Le gros du travail a été fait par son fils accompagné d'un ami, tout juste revenu d'un voyage peu ordinaire puisqu'il a rallié les 13000 kms qui séparent le Vars de l'Inde à pied en 3,5 ans!! Travaillant ci et là pour financer la suite de son voyage.
Le gîte "Arc en Ciel" doit son nom au fait que chaque couleur y est mise en évidence. Chaque couleur a une signification spirituelle. Le blanc représente la pureté divine, le vert l'abondance, une autre couleur l'amour divin,...

J37 | Figeac - Carjac | 30 km

Jusque 12h30 je suis à l'office de tourisme à retaper mes notes. Je me rends donc bien compte que je vais arriver tard au gîte...

A 18h15 j'allume la lampe frontale. Je ne suis que moyennement rassurée. Il me reste 9kms à faire, en grande majorité dans les  bois. Je marche plus vite que d'habitude...
Y'a rien à faire, le noir ça me fait peur. Des mélodies du Seigneur des Anneaux me passent par la tête. Je me dis que si je croise un Nasgul ou un Urukaï, le combat est inégal. Je n'ai que des bâtons non-aiguisés, et je n'ai même pas été entraîné au combat. Je porte un fardeau, mais ce n'est pas l'anneau.
Chaque bruit est amplifié dans ma tête une fois la nuit tombée: Un gland qui tombe d'un chêne, le vent qui balaye les feuilles lourdes de pluie, un oiseau qui s'envole brusquement pris de peur,...
Finalement je me rassure, m'inonde d'Agape (l'Amour Universel) que rien ne peut vaincre donc je ne crains rien :) Je termine l'étape tranquillement.

J'arrive au gîte communal vers 20h (seul, mais c'est inutile de le préciser maintenant :p).

J36 | Livinhac - Figeac | 25,5km

Je me sens extrêmement fatigué sur cette étape (loin de moi l'intention de me plaindre).

Soudain, deux chasseurs. Ils sont en repérage, le jour de chasse c'est demain. Ils traquent du regard les dégâts faits dans les prairies en aval par l'envahisseur: Monsieur Sanglier!
Ils en chassent une cinquantaine par saison, et encore, c'est un petit score comparé à certains de leurs collègues.
L'un des deux a fait le chemin. C'est un marathonien à la retraite. Dans son jeune temps, il avait l'habitude de courir ses 20 bornes tous les jours après le travail.

Un peu plus loin, une ferme. Une autochtone m'interpelle "Vous êtes un réchauffé!". Je lui rétorque un "Pardon?" invocateur de développement. Elle me fait comprendre qu'elle me trouve courageux de faire le chemin en cette saison, alors qu'elle endure bien sa polaire. Son neveu arrive en tracteur. Il possède 200 bêtes, élevées pour leur viande. J'en profite pour lui demander quel est le curieux mélange dont ses veaux se nourrissent le long de l'étable un peu plus bas. C'est du maïs broyé. Mais attention, ici la plante entière est rentabilisée: tige, épis, tout est broyé et ensuite soumis à fermentation sous des bâches pendant 3 semaines, après quoi la potion magique peut être utilisée. C'est un très bon complément alimentaire au foin et à la farine de blé.
Lorsqu'il repart, sa tante m'explique que c'est un bosseur, et qu'il ne fait pas 35h/semaine (format en vigueur en France si j'ai bien compris). J'acquiesce et en profite pour lui communiquer tout le respect et l'admiration que j'ai toujours eu pour les agriculteurs! Exploitants, et en fait, exploités eux-mêmes...

J'arrive à Figeac. Je fais un tour dans le très beau cœur historique de la ville avant d'aller faire des courses chez E.Leclerc.Impressionnant tout ce que j'ai pu acheter pour 7,5e (produits marqués "marque repère" par l'enseigne): Une brosse à dent, un tube de dentifrice, du gel douche (coco), 2 clémentines, une poire, 1 boite du thon à l'huile de tournesol, 1 boite de filet de maquereaux, et 500g de riz complet. Je défie celui ou celle qui peut me donner le prix de l'équivalent au Colruyt :)

Soirée sympatoche au gîte avec Marie, la gérante, et Rachel, une amie qu'elle héberge temporairement.

J35 | Conques - Livinhac le Haut | 24,5km

Ca commence avec 350m de dénivelé pour sortir de la cuvette Conques. Au sommet, je me rends compte que j'ai oublié ma trousse de toilettes à l'Abbaye... Tant pis je ne redescends pas!

J'ai les jambes lourdes... Vraisemblablement la Vinas Del Pays de la veille.

Je m'arrête dans une prairie manger un bout de pain et une pomme. Je ne reste pas longtemps car il fait froid.

La seconde partie du trajet est exclusivement goudronnée. Une première. Route toutefois très peu fréquentée. C'est une route de crête, descendante. Elle offre des panoramas exceptionnels à gauche comme à droite.
Avant d'arriver à Livinhac, je me perds pendant environ 1/2 heure dans la zone de Decazeville...

A peine arrivé à mon logement, je me couche 2 heures, je suis épuisé. En fait, c'est un accueil pèlerin, chez Marie-Christine et Gilbert. M-C me convie généreusement (et d'ailleurs gratuitement) à leur table le soir. Elle a fait du jarret de porc, c'est absolument succulent. Elle utilise le jus de cuisson pour en faire une soupe, avec des pâtes. Ensuite, au tour du jarret! Mijoté avec des patates et des légumes entiers (carottes, navets, chicons). Le tout agrémenté de moutarde. La recette d'un plat réussi. Gilbert nous sert un très bon Merlot du Pays d'Oc. De loin le meilleur vin que j'ai bu depuis mardi  11 Octobre. Son métier actuel: la conception de catamarans de plaisance de A à Z. Extra!
M-C a fait le chemin jusque la moitié de l'Espagne. A quand la suite?
Le soirée est super sympa!

J34 | Campuac - Conques | 21km

Encore au petit soin dans ce gîte "Le Barthas". Petit déj princier.

Je me dirige vers la cité médiévale emblématique de Conques.

Dans un petit chemin, je marche pendant 10 minutes derrière ce qui ressemble à un castor. Je me rapproche à 7 mètres. A chaque fois que l'animal s'arrête pour tendre l'oreille je me fige. Dès qu'il reprend sa marche je l'imite, jusqu'à ce qu'il détale, probablement pris de peur. C'était amusant!

Je pense souvent au fait que j'emboîte les pas de ma maman, d'André, et de Christiane. Je me demande combien de fois nos pas se sont superposés depuis Le Puy.

Je suis étonné et agréablement surpris de voir que certaines vignes portent encore du raison noir mûr, encore délicieux!
Je remarque aussi que depuis que je suis descendu en altitude, la nature est plus verte, l'automne moins avancé. Sur les hauts plateaux d'Aubrac, les arbres étaient entièrement dénudés. La naturisme végétal est donc vraisemblablement fonction de l'altitude (/température).
A Campagnac, je rejoins le GR65. 1500 mètres plus loin, je me rends compte que je l'ai pris dans l'autres sens, haha...

Petit arrêt dans l'Eglise d'Espeyrac.
Avant d'entamer la vertigineuse descente sur Conques, je dépasse 5 marcheurs du weekend, très sympas!
La descente sur Conques est rude, l'arrivée dans la cité historique est particulière. C'est comme si le temps s'était arrêté, ou plutôt, avait reculé. La cité apparaît comme coupée du monde, isolée dans les méandres des forêts et de la montagne. L'authenticité de l'architecture est bien conservée.
Ce soir je loge à l'Abbaye. Dans le dortoir, je rencontre 3 jeunes de Lausanne, arrivés le jour-même dans le cadre de la réalisation d'une pièce de théâtre. Ils sont en quête d'inspiration. Un 4ème sac de couchage se trouve sans propriétaire sur un des lits. Ils me disent qu'il appartient à un Brésilien. Je me dis "Haha excellent, ce bon vieux Carlos!".
Autour du repas on est une dizaine, dont Carlos et moi en pèlerinage. C'est un moment sympa. Avec toutefois beaucoup de retenue, domaine dans lequel je n'excelle pas.

Bénédiction dans l'immense, la démesurée, la majestueuse Eglise de Conques. le Frère Jean-Daniel appelle tous les pèlerins (nous sommes 2) devant l'Autel, et demande au Seigneur de bien vouloir nous apporter Force et Courage jusqu'à Compostelle. C'est un moment fort.
Et à 21h, probablement le plus beau moment de la journée: Jean-Daniel nous joue de l'Orgue. Les mélodies sont gracieuses, la puissance du son envahit l'Eglise et la fait vibrer. L'instant est dominé par une dimension que j'ai du mal à décrire avec des mots. Beaucoup d'émotions. Un mélange subtile entre puissance et humilité.

On termine la bouteille de pinard avec la Suissesse et les deux Suisses dans le hall de l'Abbaye et puis on va se coucher. J'aime échanger avec des artistes!

mercredi 16 novembre 2016

J33 | Espalion - Campuac (Barthas) | 25kms

Brume, brume, brume (Borges, Borges, Borges).
Dans mes moments (et non villes) de grande solitude, je pense à vous tous qui me supportez et m'encouragez, et ça me pousse en avant! Continuez à envoyer des pensées positives, je suis à l'écoute :)

J'arrive à Estaing. Ce village me fait penser à Minas Tirith. Je prends le GR6 vers Campuac, où j'ai trouvé un gîte ouvert pas cher. C'est une variante du GR65 (Genève - St Jean Pied de Port), sur une vingtaine de kms.
Je pense souvent à ma famille et à mes amis. Je me demande ce qu'ils sont en train de faire. Je repense aussi parfois à mon ancien travail, mes ex-collègues.
Je rêve beaucoup en marchant, un peu comme quand j'étais gamin - période école primaire - où je m'inventais des histoires depuis le siège arrière de la voiture sur lequel j'étais assis avec pour point de départ en panneau publicitaire que j'avais vu à travers la fenêtre. Je retrouve donc mon instinct de rêveur!
Beaucoup de montées abruptes dans les bois sur ce tronçon GR6. Les pierres et rochers solidement encrées dans la terre du sentier font office de marches d'un escalier sauvage.

J'ai le luxe de pouvoir pique-niquer en T-shirt assis sur un rocher, réchauffé par les rayons d'un soleil tamisé par des voiles nuageux d'altitude.

Ensuite, ça n'en finit pas de monter et descendre, périodiquement. L'environnement est très vallonné. C'est très beau! Beaucoup de châtaigniers et pommiers sur le chemin. Je ne manquerai pas de me servir.

Superbe étape, et assez physique!
Ce soir je mange des châtaignes accompagnées de saumon en conserve Grand Jury. Quand la gastronomie s'exprime! :D

J32 | Sarbonnel - Espalion | 28km

Pas de petit déj.

Ca fait du bien de revoir le soleil!
Et voilà, c'est fini l'Aubrac. Changement de décor, je redescends dans la plaine. Une allée interminable entre les châtaigniers m'amène à 300m d'altitude. Très beau village, comme la plupart de ceux que j'ai visité jusqu'à présent.

Je m'évade dans mes pensées, sans gouvernail. Plus tôt je rencontre 3 pèlerines. Elles rentrent chez elles le lendemain à midi, travail oblige!

Plus loin, 4 randonneurs qui cassent la croute sur un tronc d'arbre. Je bénéfice d'une part de gâteau! J'en profite pour m'arrêter aussi.

CA fait du bien de marcher! J'apprécie particulièrement le moment où j'arrive au dessus d'Espalion. Du haut du rocher d'où je me trouve, j'ai une vue plongeante sur la ville.
Je me sens fort d'avoir marché 500kms par arriver là où je suis actuellement.

J31 | Nasbinals - Sarbonnel | 15km

De 9h30 à 15h30 je retape mes notes manuscrites sur mon blog à l'office de tourisme. Si on ajoute à cela 2 heures la veille, ça fait environ 8h pour taper 20 jours sur le pc, my god! Je serai p-e plus light dans les prochains posts.

Je vais boire un capuccino au bar en face du gîte pour me donner du courage puis je démarre vers 16h. En marchant vite et sans pauses, j'arriverai vers 19h, soit une heure de marche nocturne.
Rapidement, je traverse des prairies, et... uniquement des prairies. Pour passer de l'une à l'autre, des barrières à ouvrir et refermer. Ca monte, ça monte, et bientôt je marche dans 10 cm de neige trempée. Parfois je m'enfonce dans des creux où la neige m'arrive jusqu'aux genoux. Il pleut, il y a du vent, c'est vachement sport! J'arrive à 1400 mètres d'altitude, point culminant du tracé jusqu'aux Pyrénées je pense.
Passé Aubrac, il me reste un gros 4 kms pour arriver jusqu'au gîte. La nuit est tombée entièrement. Je sors la frontale en un minimum de temps, car il ne faut surtout pas que je me refroidisse. Mes pieds, mes avant bras, et mon pantalon sont complètement rincés, donc les échanges de chaleur sont importants. Le sentier s'enfonce dans des bosquets, ça n'en finit pas de descendre. Avec les précipitations de la journée, et des derniers jours, le chemin s'est transformé en ruisseau. Ca glisse! Je repère assez bien le balisage GR65, donc ça me rassure, je vois que je suis sur la bonne voie.
Soudain un son de cloche à ma droite, je tourne le tête: des dizaines de paires d'yeux, rouges du reflet de la lumière de la frontale, qui me fixent. On dirait des démons qui m'observent, immobiles, avec leurs cornes. Ce sont des vaches.
Un peu plus loin, je lève la tête: à quelque 7 mètres, sur le sentier, deux paries d'yeux qui brillent intensément. Des chevreuils! Ils n'ont pas l'air trop effrayés; ils quittent la route en trottinant.
Le chemin slalome maintenant entre les pâturages. Je m'arrête un instant. J'éteins la lampe. Je ne vois pas à lumière à l'horizon, pas un bruit. Impressionnant!

L'adrénaline qui m'a accompagné sur ce dernier tronçon m'a tenu au chaud. Je suis super content d'arriver au gîte! Thierry m'allume un feu de bois, et la je me pose.

Après le manger, Thierry se pointe avec une bouteille d'Evian. Je me demande pourquoi il m'amène de l'eau. C'est de la gniole qu'il produit lui-même. Très fruité et très très bon, cette potion à tout de même 70 degrés.
Il a remarqué que j'étais Belge, par les expressions que j'utilise. Je tombe de ma chaise quand il me dit qu'un de ses films préférés est... Dikkenek! Ca me fait bien rire, et on échange quelques répliques. "Tu n'me vois pas, tu n'me vois pas..." C'est un bon Thierry, ça se voit qu'il parle avec son cœur. Il adore accueillir les pèlerins et échanger avec eux, notamment en faisant un tour de table avec la même question pour chacun: "Qui es-tu"? Pas évident.
Il travaille pour une société des eaux qui, entre autres, achemine l'eau disponible en grandes quantités sur l'Aubrac vers le sud, par plus de 2200kms de canalisations.
Il y a 20 ans, il a acheté 13 hectares de terrain. A partir de 4 murs en ruine, au milieu desquels poussait un vieil arbre, il a bâti sa maison. Même scénario pour le gîte, qui se trouve à 5 mètres de la maison. Il coupe son bois lui-même. C'est un mec actif, il a de bonnes idées.
Ca lui arrive d'aller faire de la rando dans les Pyrénées, sans savoir à l'avance où il va pouvoir dormir le soir. Contre un rocher, dans un refuge,..
Ca fait 25 ans qu'il fait du parapente. Attention au cumulonimbus!!

Il est 22:44, je me fais une tisane, et je vais me pieuter.
Demain, un joli 28kms, on the road again!

jeudi 10 novembre 2016

J30 | Lasbros - Nasbinals | 20km

"Je m'en irai dormir dans le Paradis Blanc"

En l’occurrence, c'est marcher dans le Paradis Blanc que je m'apprête à faire.

Les camarades de la péninsule sont partis vers 7h, moi je me lève pour aller déjeuner à 07h54.
Wow, il neige à gros flocons dehors! C'est très excitant! Je découvre mon tracé du jour sur le guide IGN. Je suis à 1100m, et ma destination à 1200m. Nice!
Depuis une semaine, le froid me réveille invariablement en fin de nuit. En fait, j'ai un sac de couchage "été", très léger, par dessus lequel je mets tjrs une couverture dipo au gîte, mais elle a très souvent tendance à se retrouver à terre le matin, et le sac n'est pas suffisant haha.
Maintenant, ma motivation pour me lever le matin c'est le petit déj! Pas si petit que ça. C'est indéniablement mon plus gros repas de la journée. Moi qui d'ordinaire avais tendance à boire un verre de Nesquick tout au plus...

Je démarre à 9h30, après que Danielle, heureuse gérante de ce magnifique gîte, eut finit de me résumer son parcours depuis ses débuts dans la coiffure jusqu'à maintenant.
Chacun de mes pas est accompagné de ce joli son qu'on connaît tous, caractéristique des semelles qui s'enfoncent dans la neige fraîche.
La neige devient pluie, et ce beau son se transforme en "flatch flatch".

J'arrive aux portes de l'Aubrac, ce grand plateau d'altitude désertique. C'est la région la moins peuplée de France, environ 8 habitants au km². En hiver, le vent a coutume se souffler violemment. C'est le cas aujourd'hui. Je ne sais pas qui l'a contrarié, mais il a l'air particulièrement furieux... Au milieu de ses rafales, je suis partagé entre euphorie et agacement. On peut voir pas mal d'éoliennes sur le haut des collines voisines. Elles doivent tourner à plein régime...

Ne trouvant pas d'abri protégé, je m'arrête à l'arrache derrière un rocher pour avaler un morceau de pain et de saucisson (mon menu du midi est plutôt constant!).
C'est dingue, même 5 minutes montre en main, c'est trop long. Je repars avec les pieds congelés ainsi que les doigts.
Heureusement, la solution est toujours toute proche! Pour les orteils: flexion, piqué du baton, extension (et oui j'ai deux batons :D). Plus ça fait mal, plus c'est nécessaire. Pour les doigts: faire le moulin à vent dans un sens puis dans l'autre, 20 fois dans chaque, et plus si affinité.

Enfin, un constat intéressant. Lorsque j'interroge mon coeur sur ce qu'il a envie de faire après le chemin, il me chante souvent la même mélodie: ça parle de musique! Peu importe la forme, le fond a l'air d'être là quelque part.
En ce moment, je ressens aussi beaucoup ce besoin d'entreprendre. Avoir des projets. Mine de rien, je ne fais "que" marcher en ce moment. Ca se répète. Vivre le moment présent c'est super, et ça doit continuer. A côté de ça, j'ai besoin de me fixer des objectifs, produire ou créer quelque chose. Car jusque là, je suis quasi exclusivement consommateur. Consommateur de mon compte en banque surtout (rires). Tabernacle, que j'écris "(rires)" comme ça, ça fait vieille interview. Mettons ce qui vient de se passer entre parenthèses.
Une création notable, c'est d'écrire dans mon journal de bord en fin de journée. J'essaye de faire le tri, répertorier les moments dont j'ai envie d'avoir une trace. Ceux que j'ai envie de partager avec vous, mes chers amis, chères amies, ma chère famille. J'aime être acteur de ce projet. Outre poursuivre la lecture de mes livres, un autre projet que j'aime bien c'est de m'intéresser à la région que je visite. Historiquement, géographiquement, socialement. J'ai une autre idée de projet: apprendre l'espagnol. J'en attends d'autres :)
J'ai quelques idées d'autres projets que j'ai envie d'entreprendre after-st-jacques, que je sois arrivé à Compostelle ou pas. Ca devient intéressant :) Ca prend du temps, c'est stimulant.

J29 | St Alban - Lasbros | 20,5km

J'en profite pour dormir tard, pour récupérer de la veille. J'ouvre les rideaux, il neige. Je me recouche.

Je quitte le gîte sous une belle éclaircie, après m'être régalé des confitures maisons disponibles dans le frigo du gîte. Je fais une halte dans l'église du village où j'y allume une bougie.

Le chemin se perd rapidement entre bosquets et prairies. Ces dernières sont occupées par les vaches de l'Aubrac, réputées pour leur viande notamment. Elles ont les yeux noirs, et le pelage d'un brun clair gracieux.
Juste avant de quitter le village, je suis informé que 3 espagnols me devancent. En effet, je constaterai plus tard 3 traces distinctes aux rares endroits du chemin où la neige persiste.
Je vois aussi beaucoup de Pottocks; ces puissants cheveaux de trait à la crinière blonde. Je me sens en bonne forme physique, les jambes légères.

Après une douzaines de kms, le vent se lève, et il commence à neiger. D'abord, il tombe des flocons de forme sphérique, denses, lourds. Ensuite, ce sont de beaux cristaux qui viennent recouvrir le chemin d'un manteau blanc uniforme. On ne voit pas au delà de 40m, et l'averse neigeuse s'intensifie, avec le vent qui va avec. Rapidement, je marche dans 5cm de poudreuse. Je me transforme en bonhomme de neige, excepté pour mes jambes. J'étais dans un bon rythme avant qu'il ne commence à neiger, donc je n'ai pas froid. C'est que du bonheur de marcher dans cette neige! Je pense à toutes les personnes qui apprécieraient ce moment autant que moi et qui sont probablement en voiture ou dans un bureau.
L'averse cède la place aux éclaircies. Le blanc de la neige qui recouvre les sapins tranche avec la couleur brun-orange du tronc, et le vert foncé des épines.

Les chaussures ont percé, donc je ne m'arrête que 5 minutes pour manger une mandarine et un morceau de cochonaille. Je suis récompensé, puisque j'aperçois un bambi à 100 mètres! Il m'a repéré, se fige pendant 2 secondes, puis détalle dans le bois.
Je me suis refroidi, donc j'accélère le rythme jusqu'au gîte.

Qui est-ce que je vois au gîte, les espagnols. Trois amigos, la cinquantaine, qui ont fait toutes les routes connues d'Espagne qui mènent à St Jacques, et qui maintenant s'attaquent à la France. Le premier, Alejandro, a passé 13 années de sa vie à conduire des gens pressés d'un bout à l'autre de la ville de Madrid, avant de partir ouvrir uno Albergue sur le Camino del Norte avec sa femme et ses enfants!Le second, Roberto Córdoba Asensi, était cycliste pro et a couru aux côtés d'un grand coureur belge dont j'ai oublié le nom, au tour de France ou d'Espagne. Le troisième, Ravi, connais pas, inconnu au bataillon.
Je sais tout ça grâce à Alejandro, le seul à parler anglais. La barrière de la langue est frustrante, car les deux autres ont l'air super sympas aussi. ça me motive à me mettre à l'espagnol!
Ces 3 saisis du slip ont marché 40 bornes hier, 38 aujourd'hui, et 32 demain. Ils marchent avec des chaussures qui ressemblent à des chaussures de course à pied.
Danielle, proprio, arrive. Elle fait comme chez elle et met tout le monde à l'aise. Elle m'explique que cette maison est une maison familiale, construite à l'origine par ses grand parents, elle qui n'est déjà plus toute jeune. Les murs sont faits d'énorme blocs de granite. Ces vieilles pierres du pays, conjuguées aux poutres en bois et au feu de bois qui réchauffe la pièce, donnent un cachet très appréciable à ce salon.
Pendant le repas, Alejandro me confie qu'il est très déçu du rouge qu'il a acheté 6 euros, pensant que ce serait du bon vin. Bienvenue en France bro! Il enchaîne "En Espagne, on trouve du très bon vin pour 4 euros, alors que celui-ci en coûte 6 et est très mauvais". Je me réjouis d'arriver en Espagne.
Pour la petite histoire, il avait été attiré par le label "médaille d'argent". J'ai ouï dire une fois de la part d'un responsable vin au Delhaize (qui du coup avait quitté son costume de vendeur un instant), que ces vins là sont en premier lieu des vins qui se vendent difficilement, et sur lesquels on met une belle étiquette pour écouler le stock. Du marketing quoi. Donc en général, plutôt se méfier des étiquettes.

A 21h, les 3 sobreiros sont couchés. Je sors dehors observer les étoiles. La lune est à moitié pleine. Ou à moitié cachée, on ne va pas entamer le débat. Il fait très froid. C'est le calme absolu. On pourrait croire que tout est mort, alors qu'en fait, tout est harmonie.

J28 | Saugues - St Alban de Limoge | 32,5km

Je me lève de bonne heure (7h) pour cette longue étape.
Je mange de plus en plus au déjeuner, c'est impressionnant. Il s'éternise un peu, ce qui fait que je pars à 9h.
Ha oui tiens... Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j'ouvre les rideaux le matin, et je vois un paysage blanc. Une très fine couche de neige s'est déposée pendant la nuit.
Le thermomètre affiche -2 °C. Du balcon du gîte, Catherine me fait remarquer un pèlerin à environ 400 mètres. Je reconnais le protège-sac vert du Brésilien.

Je démarre. L'air est sec, il n'y a pas un poil de vent. Comme je respire à pleins poumons, l'odeur me rappelle les vacances au ski, la cohue et le bruit des remontées mécaniques en moins.
L'étape est faite d'endroits déserts, perdus dans la nature. A intervalles réguliers, j'aperçois Carlos devant, tjrs à quelques centaines de mètres, jusqu'à ce que je le rattrape à mi-chemin.
Après 20kms sans interruption, je n'en peux plus, et j'ai absolument besoin de manger quelque chose. Je me serais bien arrêté au bord du chemin, mais tout est recouvert de neige. Carlos me fait remarquer qu'il y a une Chapelle 2kms plus loin. Dans un ultime effort, je l'accompagne. A côté de la Chapelle se trouve un refuge, où on fait la halte du midi. Des étirements, du pain, du miel, et du saucisson me feront le plus grand bien! lui m'explique qu'il ne s'étire plus, car chaque fois qu'il l'a fait, il se blessait ensuite. Il ne mange rien d'autres que des fruits et fruits secs pendant la journée.
On reprend la route. On marche rarement ensemble, car je m'arrête souvent pour prendre des photos.
Les derniers kilomètres me semblent interminables, et je suis excessivement heureux d'arriver au gîte.
Carlos continue, et optera pour l'option tente. Ké mec ti!
De mon côté, j'ai trop bon d'abandonner mon sac au gîte, et d'aller faire mes courses à l'épicerie en slashs!

J27 | St Privat - Saugues | 19km

Je suis encore une fois reçu comme quelqu'un de la famille, comme si on se connaissait depuis des années. Haha c'est marrant. C'est une ambiance qui me convient très bien et dans laquelle je me sens vite à l'aise. La veille, Michelle m'apporte un bol de soupe, qui complétera très bien mes pâtes assaisonnées de filet de bacon.

Après un petit déjeuner royal pris en compagnie d'Alain, je déploie mes ailes.
Pendant 3km, le chemin flirte avec le flanc de la montage. Au bout d'un moment, on aperçoit le fin fond de la vallée. Je rigole intérieurement, en me disant "Imagine que le chemin passe par là", moi qui redoute maintenant les longues descentes. 90 minutes plus tard, je me retrouve en bas... Et puis 600m plus haut (dénivelé vertical) je suis au dessus de la montagne voisine! A quelque 1100m.
Malgré la grosse ascension, je commence à me les cailler. Météo-France avait donc bien raison, les températures chutent.
Je m'arrête à l'arrache, en bordure de clairière, sous un Pin, où je m'assied pour manger un peu de pain et de saucisson. A peine à la moitié de mon lunch, le vent se lève, et je vois un énorme nuage noir envahir littéralement la vallée d'en bas. Je le remercie d'avoir attendu que j'y sois passé pour faire son entrée. Il me répond "Attends gamin, je ne suis pas venu seul". En effet, je me retourne et vois la même chose qui m'attend dans les prochaines minutes. Cinq exactement. Et c'est une amicale tempête de grêlons qui sévit! Moi qui étais justement si fier de toujours pouvoir marcher en short, c'est moins pratique maintenant. Je sors ma cape. Ce n'est pas une cape d'invisibilité, juste une cape pour me protéger des intempéries. Les grêlons s'accumulent entre mes chaussettes et le haut de mes chaussures, lorsque je décide de reprendre la route, l'averse ne diminuant pas d'intensité et le froid me gagnant.
Avec la chaleur de mes pieds, les grêlons fondent, et j'ai bientôt les chaussures trempées. Il reste 5km.
Ouf, le clame revient après 15 minutes. La marche me réchauffe aussitôt. J'opte sérieusement pour l'option du pantalon pour la suite (il me suffit d'attacher à mon short deux bouts de tissus via fermeture éclair).

J'arrive tranquillement au gîte. Catherine et Patrick m'offrent une tisane, que je chéris particulièrement, après avoir enfilé mes slashs. Une fois de plus, je suis seul dans ce gîte de 10 personnes. Catherine et Patrick ont tous deux marché jusque Compostelle, exception faite pour Patrick qui, en plus de l'avoir fait avec sa femme, le fait aussi régulièrement en tant qu'accompagnateur de jeunes en difficultés ("prisons" pour jeunes, famille d'accueil, décrochage scolaire,..).L'association s'appelle "Seuil". Elle est connue en Belgique aussi.
Je trouve que l'initiative fait beaucoup de sens.D'ailleurs, les chiffres parlent d'eux-mêmes: 63% de réinsertion pour les jeunes (= concrétisation de projets,..) après 1800 kms en binôme avec l'accompagnateur, contre 95% de récidive en sortie de prison lors de la première année. Pendant la marche, je jeune se retrouve face à lui-même, éloigné de son milieu souvent défavorisé, et de ses fréquentations. Il est en connexion avec la nature, et ça, ça doit jouer pour beaucoup aussi. Sans parler des rencontres qu'il fera inévitablement. En plus, c'est une expérience très enrichissante pour l'accompagnateur, comme me l'explique Patrick.

C'est en ami que je suis reçu ce soir. Avant de monter à l'étage, ils me font remarquer l'étrange linéarité du chemin de la Puenta de La Reina à Compostelle. Même linéarité entre les Cathédrales de Reims vers des villes plus à l'ouest en France. Tout ça pour expliquer que l'homme s'est toujours déplacer d'Est en Ouest, du lever du soleil vers le coucher du soleil, comme si le soleil indiquait la direction à suivre. Ca, c'était avant, quand il n'y avait pas de cartes, pas de boussoles, qu'on ne savait pas que la terre était ronde...
Il est par ailleurs amusant de remarquer que St Jacques de trouve à l'extrémité Ouest de L'Europe. Cogitou, cogitou,...

J26 | Le Puy - St Privat d'Allier | 23,5km

Et c'est reparti!
Au matin, je déjeune avec Hermann, arrivé la veille, et Gérard. Hermann, il est tout simplement impressionnant. Il est allemand (comme son nom - et non sa petite taille - pouvait le laisser deviner), et a 71 ballais. Il revient tout juste d'un Trail de 2 mois en Amérique, en pleine nature... Il y aura vu notamment de loups et des ours bruns. Quand je lui demande s'il n'a pas peur de planter sa tente en pleine forêt, complètement isolé de toute aide possible, il me répond la chose suivante: "Ce qui me fait peur, c'est de traverser Lyon et St Etienne en voiture pour venir jusqu'ici. Les gens vont dans tous les sens à toute vitesse, c'est terrifiant". Je me tais un moment.
Quelqu'un lui a recommandé de faire Le Puy - Conques, pour la beauté du tracé. C'est pour ça qu'il se trouve là. Je lui demande si il a un numéro de téléphone, pour rester en contact. Il me dit qu'il n'en a pas besoin, car ses amis sont déjà loin, en pointant le sol du doigt. "Ou bien là haut" que je lui réponds, avant d'enchérir "Finalement, ça n'a pas beaucoup d'importance". Il argumente que si, ça a de l'importance, en faisant allusion à des expériences surnaturelles qu'il a vécues, sans vouloir développer plus loin. Il clôt le sujet en ajoutant "J'ai vu des choses de mes propres yeux, je ne suis pas fou quand même". Ca me laisse sur ma fin!

Je vais acheter ma Créanciale à la Cathédrale. Comme la boutique n'ouvre qu'à 10h, j'en profite pour me poser sur un banc, admirer la grandeur de cette battisse, et faire quelques prières.
Je quitte la Cathédrale. L'aventure continue! Je suis très excité à cette idée. Je déchante lorsque ma douleur au pied gauche refait surface... Je ralentis le rythme, j'écoute du J-J, et ça fera l'affaire pour terminer l'étape sans soucis! Je repense au reportage que j'ai vu la veille à la télé... Quelle inspiration.

Les jambes sont lourdes et je suis très content d'arriver au gîte, après avoir été complètement rincé en deuxième partie de journée.
Juste avant d'arriver au gîte, je vois un pèlerin qui mange une pomme dans ce qui ressemble à un mini-refuge en bois, ouvert sur un de ses flancs.C'est Carlos. Il est Brésilien, et parle parfaitement français! Je lui demande ce qu'il fait là (sur le chemin), il me dit "Je sais pas". Ca me fait encore marrer aujourd'hui, si je m'attendais à cette réponse... En tout cas il a la patate. Il doit avoir 30 ans tout au plus, encore aujourd'hui je n'en sais rien. Il me dit qu'il continue plus loin que St Privat, où il plantera sa tente. C'est vachement courageux, avec le temps qu'il fait, les températures qui sont déjà redescendues...
Je continue ma route. Arrivé au gîte, je suis seul. Alain m'allume un feu de bois, c'est bon ça!!!

J25 | Jour de repos

Je déjeune avec la chinoise arrivée la veille, et qui part pour le chemin de Stevenson (vers le sud). Mince alors! Ppour une fois que je rencontre une fille jeune, célibataire qui plus est!

Enfin soit, je vais me relaxer à la très moderne piscine du Puy. Je ne lésine pas: "Mettez aussi l'entrée à l'espace Wellness svp", tant qu'à faire.
C'est extraordinaire le bien que ça fait. Je reste 4h, ne me déplaçant qu'entre sauna, jacuzzi, hammam, douches froides, et transat. Alors qu'à la base, j'y allais pour nager...

Esnuite, je vais visiter la statue Notre Dame du Puy. Du haut de son rocher, elle veille sur la ville. On y a une vue à 360 degrés, c'est assez pas mal. Allais un peu d'histoire: Napoléon 3 l'a fit érigée vers 1860, à l'issue de la guerre de Crimée. Environ 200 canons en fonte ont été nécessaires pour la construire. Elle pèse environ 800 tonnes, je vous laisse évaluer le nombre de 747 que ça représente...

Le soir je regarde une superbe émission sur France2, sur Goldman-Berger-Balavoine! C'est bon aussi de regarder un peu la télé! J'ai même été captivé par les pubs...

J24 | St Julien en Chapteuil - Le Puy en Velay | 19km

Au petit déj, on parle un peu politique avec Claude. Elle ne fera pas que des éloges de son président actuel. En fait, elle n'en fera pas du tout.
On aborde ensuite la question de la place et du rôle de l'être humain, en société, quelle qu'elle soit. Son mari est médecin, et de ce que j'ai compris, Claude a passé le plus clair de son temps comme femme au foyer, à s'occuper des enfants essentiellement.

Au terme de notre échange, nous semblons d'accord sur un point: L'homme n'a pas été conçu pour travailler. Bien sur, ça ne veut pas dire qu'il ne peut ou ne doit pas travailler...
La prochaine question pourrait être celle-ci: Dans quel but a-t-il été conçu -s'il en est un? Mon interprétation personnelle du moment, c'est que sa mission est d'Aimer.
Seulement il n'a pas beaucoup de temps (même si cette phrase ne veut rien dire, tout le monde comprend de quoi il s'agit)... Afin de lui donner la chance d'accéder à plus d'Amour, Claude et moi cherchons une solution. Il lui faut plus de temps. S'il travaille moins, financièrement ça risque d'être compliqué. Dans cette optique, l'Allocation Universelle est-elle une solution ou fait-elle partie de la solution (conjuguée au travail bien sur, selon les désirs, besoins, motivations de chacun, chacun appelle ça comme il l'entend)? Elle permettrait en tout cas à l'homme d'allouer plus de temps à d'autres occupations que le travail, qui le rapprochent plus près de sa Légende Personnelle ( << L'Alchimiste>>), et par conséquent à plus d'Amour - "L'Amour" ne représente pas que l'Amour entre un homme et une femme (cette forme est appelée Eros ou Philo selon mes souvenirs (<< Le Pèlerin de Compostelle >>)), c'est l'Amour Universel. Et si cette occupation est le travail, alors rien ne devrait changer fondamentalement pour lui :)

Je prends mon lunch au bord d'une grande rivière, à 5km du Puy. Le décor est idyllique.
Quelle satisfaction et presque jouissance d'arriver au terme de cette première étape Genève - Le Puy, au coeur de la vieille ville d'une histoire apparemment très riche. Le chemin passe devant la très imposante cathédrale. Les petites ruelles pittoresques, les maisons en vieilles pierres, les colombages, tout est très joli, en particulier sous le soleil.
Après quelques formalités (office du tourisme, chgmt de topo-guide,...) j'arrive au gîte "Les Capucins". Je jette un oeil au tracé qui mène du Puy à Figeac, lorsque Gerad (>60 ans) entre dans la chambre. Il est en vadrouille, et habite à Bourg-Argental, patelin que j'ai traversé quelques jours auparavant. L'hiver, il travaille dans une station de ski, aux remontées mécaniques. Le reste du temps, à son âge, il en profite pour voyager.
J'ai entendu dire que 'Le Camino' offre l'apéro aux Pèlerins de 17h à 19h. Je passe le mot à Gérard, et lui propose de m'accompagner. L'endroit est fermé à partir de mi-octobre... On va quand même boire quelques bières dans un bar, et des bières belges! Gérard a toujours une bonne descente. Au travers de ses histoires, je remarque qu'il a l'air (aussi) en marge de la société. Il fuit généralement les grandes villes, et n'apprécie pas la "société de consommation", whatever that means. J'apprends beaucoup de son expérience, et quelque part de sa sagesse.

Ca fait du bien de décompresser et de voir enfin un but accompli, le premier tronçon est achevé. C'est un peu comme quand on a fini une série d'examens: on savoure, et en même temps on se prépare pour la suite.

J23 | Araules - St Julien en Chapteuil | 17km

Quelques km à peine après être parti, et sur les conseils de Bernadette, pèlerine rencontrée la veille et qui marchait dans l'autre sens, je quitte le chemin pour me diriger vers le mont Testavoyre (1436m). Il paraît qu'on y a une vue à 360deg, et que par beau temps on peut voir le Mont Blanc et le Mont Ventoux. Malheureusement, aujourd'hui il fait nuageux. Cela ne m'enlève toutefois pas la satisfaction lorsque j'arrive au sommet! Très belle vue sur la petite ville de ma destination, à environ 10km à vol de bécasse.

Dans le prochain village, je rencontre Pascal, artiste et peintre à la fois. Il m'invite à visiter son atelier. Lorsque je lui demande où il puise son inspiration, il me dit "la rage".

Je poursuis mon chemin. Au centre du village, on peut apercevoir des orgues basaltiques, encore une fois, résultat volcanique. Allez voir sur google, c'est très beau.

J'arrive à St Julien, fais mes étirements sur la place, achète quelques vivres au casino, et me rends au gîte de Claude. Chose amusante, je la rencontre en chemin! Elle m'informe que la porte est ouverte et que je n'ai qu'à aller m'installer.
Le soir, je passe un coup de fil à mon paternel, ce qui me fera beaucoup de bien et m'apportera entre autres vigueur et confiance.

J22 | Tence - Araules | 12km

" Another Day In Paradise "

Enfin presque. La solitude refait violemment surface. Sa compagnie m'est pénible. Je préfère encore être seul plutôt qu'accompagné de la solitude. Je deviens clairement grincheux et facilement irritable.
Quelque chose de positif: Je remarque que je suis assez bien parvenu à faire le vide dans ma tête, au fil de ces 3 semaines. C'est hilarant, j'y suis tellement bien parvenu, que ça résonne presque maintenant là dedans!
Flashforward
Après réflexion, je me dis que le fait de faire de si petites distances la journée n'aide pas. Ce faisant, j'ai l'impression de ne rien faire de ma journée. Enfin, l'avantage c'est que ça soulage le corps :)

Je décide, étant en avance sur le planning, de m'allonger dans cette prairie au soleil, afin de tenter de chasser le vide qui s'est installé dans ma tête.

Arrivé chez Gilbert et "Ninou", des fantasmes d’hypocondriaques qui m'ont occupé toute la journée me poussent à appeler mon ami et kiné en même temps. Il ma rassurera aussitôt. Merci copain :p
Bon, je descends ensuite dîner (et oui on est en France) avec mes hôtes. Potage, pâtes, morceau de viande. Comme d'hab, toujours très bien reçu :)
Les murs de la maison font 1 mètre d'épaisseur... Vous y croyez ça? Ils sont faits de pierres volcaniques, dont j'ai oublié le nom (ce n'est pas du granite). Des éruptions volcaniques, qui ne datent pas d'hier, ont façonné le paysage dans cette région. Se sont formés notamment ce qu'on appelle des "Sucs". Ils prennent la forme de minuscules collines, des buttes, bien polies sur le haut. Les Sucs ont été formés par des éruptions non-explosives, des éruptions lentes. En montant, le magma débordait, et s'accumulait gentiment en se solidifiant. D'où les Sucs!


J21 | Montfaucon - Tence | 11km

Le soleil brille de mille feux.
La raison et l'expérience me poussent à enchaîner avec deux courtes étapes. David lui, est parti pour une très longue étape, et a quitté le gîte vers 7h30.
A la sortie du village, je rejoins Guillaume, occupé à faire des photos du paysage. Originaire de Grenoble, Guillaume, la trentaine, est professeur de musique à Lyon, a habité 1 an à Liège lorsqu'il travaillait encore dans l'informatique. La musique me passionne, et on en discute. Ses horaires flexibles lui permettent de venir marcher dans le massif central quelques jours quand il en a envie.
Il s'arrête casser la croûte dans une prairie ensoleillée, je continue ma route.

Le paysage est grandiose, en particulier la vue sur les chaînes des Puys. Les odeurs des forêts de conifères chauffées par le soleil me rappellent ma région.
Ma famille d'accueil du jour m'a demandé de venir > 16h30. Ca me laisse le temps de poser mon sac au bord de cette petite rivière, où j'y tremperai mes pieds pas plus de 2 minutes (l'eau me brûle la peau tellement elle est froide). J'en profiterai aussi pour lire quelques pages du livre << Le Principe LOLA >>. Quel drôle de livre... Et en même temps son contenu me parle.

A 16h30, j'appelle Laurent, qui vient me chercher en face de l'église de Tence. A 3km de là, on rejoint sa femme Dominique, qui nous prépare des courgettes du jardin farcies et parfumées de cumin. C'était comment dire... délicieux!
Laurent a construit une partie de sa maison lui-même, en fait tout ce qui est en bois: ossature, toiture, parquet. Quelle satisfaction ça doit être! Il m'explique qu'il a tiré profit de son expérience de menuisier, lorsqu'il travaillait encore avec son père. J'apprends aussi que des formations sont disponibles, pour permettre aux gens de partiellement construire leur maison de leurs mains. Durée de la formation, env. 6 mois. Intéressant! La propriété de Laurent fait rêver. Maison typique, retirée entre prairies et bois, terrasse en bois, vue imprenable sur les forêts d'en face, un immmmmmmense enclos pour leurs deux cheveaux, qu'il a construit lui-même. Au cours de la soirée, je remarque qu'il se dégage un calme et une sérénité de ces gens... C'est presque dérangeant.
Le couple vit essentiellement d'un gîte qu'ils ont aménagé à quelques dizaines de mètres de la maison, et des divers accueils qu'ils font, notamment de personnes un peu spéciales. En ce moment, ils s'occupent à 3/4 temps d'une schizophrène. Aujourd'hui, ils accueillent aussi un touriste. C'est moi.

J20 | Les Sétous - Montfaucon | 17km

Il a bien gelé la nuit.
A 8h30 Monique nous redescend aux Sétoux. Je m'arrête dans cette chapelle, où j'y achète notamment du miel de châtaignes, production locale ça va sans dire.
On prend le départ sous un soleil qui réchauffe déjà bien. Ce temps est exceptionnel pour la saison, j'en profite doublement!
On rencontre 4 chasseurs, à la recherche d'un de leurs chiens.
A l'instar de la veille, le paysage est indescriptible, et si bien mis en valeur par ce soleil de fin d'été.
On prend le lunch dans une prairie en bordure de forêt, suivi d'une sieste au soleil.

On fait la rencontre d'un autre vieux chasseur, qui chasse le lièvre avec son frère. Il nous explique la technique de chasse avec les chiens (ils les ont dressé eux-mêmes). David ne comprend pas bien le français, je lui ferai la traduction ultérieurement.
Le lièvre se chasse aussi au plomb. La grosse difficulté, comme il me l'explique si bien avec un petit ricanement, c'est qu'ils ne chassent pas l'animal à l'arrêt.
Les chiens reniflent les traces du lièvre. Ils aboient et courent dans tous les sens, c'est impressionnant. La stratégie du lièvre, si j'ai bien compris, c'est de rester immobile, caché, jusqu'à ce qu'un des chiens s'approche un peu trop près, où là il prend la fuite. Avec un peu de chance (pour les chasseurs, pas pour lui) le lièvre choisira de s'enfuir par la praire où nos deux chasseurs occupent deux de ses extrémités. Début le début de la saison, ils ont tiré 5 chevreuils et 3 sangliers. Ils font la découpe eux-mêmes, se partagent le butin, et puis c'est au tour de leur femme de prendre le relais pour cuisiner un bon civet :)
Plus tard, David me raconte qu'il a été faire du camping sauvage en Suède l'été dernier avec des amis, et que ça vaut le détour. Inutile de vous dire que ça me donne des idées! Il a déjà pas mal voyagé: Vietnam et Indonésie notamment, en Honda 110cv. Cette année, il a terminé un bachelier en sciences politiques à Zurich. Après Santiago, il hésite entre poursuivre son Master, ou bien partir en Amérique Latine. Bien que, ce sont des discussion un peu futiles, puisqu'au fond aucun de nous deux ne peut dire ce qu'il aura vraiment envie d'entreprendre au terme des quelque 1580km restants.

Le soir, on rejoint un groupe de 6 papy-et-mamy, équitablement répartis au gîte communal. Ils font des randonnées dans cette belle région. Très sympathiques, ils nous offrent l'apéro, des chanterelles qu'ils ont cueillies la veille (elles iront très bien avec les pâtes!), du saucisson, et même un merveilleux crumble aux pommes en dessert :p
Un individu se détache du groupe. Il a l'air grincheux et pas content d'être là. On dirait qu'il n'a qu'une envie, que le weekend se termine et qu'il puisse rentrer chez lui.

J19 | St Julien Molin Molette - Les Sétoux | 23km

La nuit a été froide. Egalement dans ce gîte non chauffé.
Je prends le départ dans un épais brouillard, si bien que je vois pas à plus de 20m. Après 30min d'ascension, je me trouve au sommet d'une butte. Je m'arrête et observe. Le brouillard ne forme qu'un, et semble vouloir se resserrer autour de moi comme un étau. Un calme absolu règne.
Je suis parti depuis 19j, et j'ai l'impression que ça fait 6 mois. Non pas parce que je trouve le temps long, mais parce que je vis beaucoup.
Après 14km de marche, je sonne pour un hébergement. Je me trouve à présent bien isolé dans la basse montagne, il n'y a que ça et là l'un ou l'autre village ou hameau. Il s'avère que tout est soit fermé, soit fermé. Un seul gîte ouvert se trouve dans le prochain hameau, à 10km, mais la tenante m'a informé qu'il était complet. Je ne parviens plus à la joindre. Je décide de m'y rendre quand même.
Pour y arriver, il faut gravir 500m de dénivelé dans une forêt dense de conifères. J'accélère le pas afin d'arriver avant la tombée de la nuit, c'est à dire 18h30.
A 18h15, je sors du bois, et aperçois le fameux hameau des Sétoux à 500m. Le coucher du soleil sur les montagnes est spectaculaire. Sur le chemin, je rattrape Françoise, qui rentrent les bêtes à l'étable. Chaque jour c'est la même chanson: Elle les sort le matin, et les rentre le soir venu. Elle m'indique la maison de Monique, la gérante du gîte. Le gîte est bien complet (réservé pour un annif, on est samedi) mais elle me conduira généreusement dans un autre gîte qu'elle possède, à 2km.
Entre temps, son mari m'offre une Leffe Blonde! Que je n'aurai jamais autant appréciée. L'authenticité et l'humanité, et j'insiste sur le mot "humanité", qui animent ces gens m'a beaucoup touché.
Alors que le mari m'explique les problèmes mécaniques qu'il est occupé à résoudre sur sa vieille moissonneuse batteuse, Monique reçoit un coup de fil. C'est David, le suisse. Il lui annonce qu'il va entamer la forêt, alors qu'il fait déjà noir. En marchant très vite, il en a pour 2 heures.
Alors que Monique me conduit au gîte, son mari et les 3 enfants partent à la traite des vaches, dans l'entrain et la bonne humeur.
Je suis ultra content d'avoir trouvé un logement, une douche chaude. Comme prévu, David arrive 2h plus tard. Dès qu'on s'est vu on a rigolé, c'était super sympa de se revoir après 2 semaines!
On a beaucoup parlé ce soir là, et il s'avère qu'il fait le chemin pour des raisons similaires aux miennes.

J18 | Chavanay - St Julien Molin Molette | 19km

Journée ensoleillée.
Comme je termine mon déjeuner, la femme de ménage fait son entrée. Super, je ne dois même pas faire la vaisselle!
A peine sorti du gîte, ça grimpe sec! Après 1/2h d'ascension, se trouve dans mon dos un magnifique panorama sur la Rhône, et sur les vignes qui poussent sur les pentes parfois très  abruptes de ses côtes.
Après 3km, je fais une halte dans ce petit hameau ensoleillé. Tout est calme. Ou presque, on entend distinctement le bourdonnement sourd de l'autoroute qui se trouve dans la plaine en contre bas.
Le chemin traverse d'innombrables champs de pommier. C'est la pleine saison. j'en profite pour faire quelques provisions... Soudain mon regard se pose sur la montagne qui se trouve en face de moi. Je me mets à rigoler tout seul, car je réalise le privilège que j'ai d'être là à cet instant là. Des sentiments de liberté et léger té m'envahissent.

A l'heure du pique-nique, je m'arrête au bord d'un sentier à flanc de colline, sur un petit muret. La vue est magnifique, et le calme qui règne dans cette vallée de basse montagne est inspirant. Soudain, un chien se dirige vers moi dans une démarche agressive. Je commence à en avoir marre des chiens qui aboient sans cesse. A chaque fois que j'en rencontre un en liberté, je ne peux m'empêcher de penser à l'altercation décrite dans << Le Pèlerin de Compostelle >>. Je me lève, et pointe un de mes bâtons dans sa direction, en lui disant d'un ton affirmé "Fuck off". Je ne sais pas si le chien parle anglais, mais je pense (et d'ailleurs c'est p-e prouvé) que les chiens comme d'autres animaux ressentent les émotions comme la peur, l'amour, l’agressivité. Il reste à distance de bâton, continue à grogner quelques fois, puis retourne calmement d'où il était apparu, comme si je m'étais volatilisé.
Parfois le chemin marche sur des propriétés privées, et ça ne m'étonnerait pas que certains agriculteurs possédant des champs d'arbres fruitiers élèvent des chiens pour garder ces derniers. En effet, les vols sont fréquents. La veille, le gérant du gîte m'expliquait qu'il ne faut pas plus de 5 minutes à deux personnes pour dénuder deux pommiers et s'enfuir avec leur camionnette garée sur le sentier.
Ca fait 5j que je n'ai plus rencontré de pèlerin. La veille, j'apprends que David est passé par le même gîte. Il a donc 1j d'avance. Aucunes nouvelles de Dominico. A mon avis, il est déjà au Puy!